Réflexion sur l'horreur de ce temps Israël-Liban
« Chaque partie en présence rend l'autre camp responsable de la violence et campe sur ses positions. Pour bon nombre de groupes armés, le meilleur des accords de paix n'effacera jamais le goût de la haine et de la vengeance. »
( Avis aux lecteurs: Ce texte se lisait sur le blogue 'La-mer-des-Mots, première version', le 28 juillet 2006. )
Haine et vengeance
C'est la conclusion du dossier publié par Radio Canada à l'occasion du 50e anniversaire de la création de l'État d'Israël. Ce dossier énumère en détail 50 ans d'actions et de réactions chien-chat entre Israël et les Palestiniens .
C'est une histoire tellement complexe qu'une chatte y perdrait ses chatons. Haine et vengeance voilà bien la dominante de ces 50 ans de guerre. Pas Dieu, ni Allah, ni Yahvé ni la foi, ni la charia comme le pense notre ardent Jacques.
Dieu, de quelque côté qu'on le poste dans cette histoire, sert de paravent, de bonne conscience et de justificateur silencieux de toutes ces horreurs pas comme origine ni comme cause. Si on lui donnait le rôle d'arbitre il ne saurait déterminer qui a commencé ni qui est dans son droit et qui ne l'est pas. Comment voulez-vous que les Nations « désunies » puissent le faire. À moins que l'un n'extermine l'autre ou que les deux s'épuisent à mourir, le disque va répéter cette même plage tellement le sillon est gravé profond, pendant 50 ou 100 ans
encore.
Ce n'est pas une question de religion ni une question de droit. C'est une question de bonheur. Une réédition de l'histoire de notre aspiration au bonheur et des moyens que nous avons pris pour l'atteindre. C'est ce que je m'appliquerai à montrer.
Le bonheur
Le bonheur, il est défini depuis longtemps et de moult façons.
Sur la table à dessin de l'humanité en route il a pris des noms différents. Pour les Hébreux, (nom plus auréolé pour désigner les Juifs victimes du nazisme ou Israël passé à la une des agresseurs de notre époque,) pour les Hébreux dis-je, le bonheur s'épelle en deux mots : POSTÉRITÉ et PROSPÉRITÉ, le lait et le miel qui furent pour la horde des va-nu-pieds sortis de l'Égypte, les deux mamelles nourricières, les deux oriflammes de ralliement dans la conquête de la terre de Canaan.
POSTÉRITÉ, c'est l'héritage des civilisations agraires qui ont généré la fraternité du clan dans le sein maternel et établi la base des droits de la tribu protectrice du mieux être de chacun. C'est le lait maternel. Soumis à la chauffe du frottement des peuples ce lait devient facilement le sang vengeur source de beaucoup d'horreurs que nous avons du mal à oublier.
PROSPÉRITÉ, c'est l'héritage des Hittites et des Égyptiens. Ces nations, dans leur quête de survie, Darwin dirait dans la lutte de la vie pour la vie, ont compris que le lait maternel ne suffisait pas. Il fallait le miel c'est-à-dire l'or de la prospérité comme contrepoids à la force aveugle du lait clanique qui monte si facilement en sang tribal.
Les Hittites ont été les premiers à faire la guerre pour les dividendes qu'elle rapporte. On a partagé les butins de guerre, levé des impôts négocié des traités et respecté les dieux locaux. Les Égyptiens et les autres nations ont suivi. Le bonheur s'abreuvait outre-frontières. Il se coulait dans l'or et le pouvoir qu'assuraient les guerres de conquête
Ces deux puissants motifs de guerre (juste), préserver la postérité ou l'ethnie ou la race et assurer la prospérité se sont conjugués avec le mot « shalom » paix, mot né au Moyen-Orient et qui exprime tant pour les Juifs que pour les Arabes et pour nous aussi, l'optimum des souhaits servis en toute circonstance. On fait la guerre pour la paix (si vis pacem...) la paix assure la richesse, le bonheur parfait! Double plénitude : la vie et la richesse.
En termes populaires le bonheur selon Yvon Deschamps s'exprime par cette Lapalissade : « Il vaut mieux vivre riche et en santé que pauvre et malade. »
L'inaccessibilité de ce bonheur à deux temps toujours ressentie est solutionnée chez les Grecs par le « fatum », le destin, clé passe-partout qui explique l'inexplicable,
camisole de force qui contraint les récalcitrants. Le bonheur est pipé. Il faut s y soumettre. Même Aristote du haut de son podium dressé par Jacques n'a pas su y échapper.
Devant la difficulté de faire quotidiennement la cueillette du bonheur dans ces deux champs précités, le chrétiens vont sublimer. La POSTÉRITÉ devient fraternité universelle. La fraternité chrétienne, source de bonheur, dépasse la fratrie. Elle est mondiale. Elle réunit tous les humains sans distinction. Elle ne vient pas du lait maternel mais de l'eau du baptême (sang du Christ) qui fait fils de Dieu.
La PROSPÉRITÉ, toujours objet de conquête est promise non sur la terre mais dans le royaume des cieux et s'achète par les mérites d'une vie vertueuse et soumise..
Et la conjonction des deux, sublimée aussi, donne le même souhait de paix chantée par l'harmonie des chœurs angéliques, jouissances extrêmes promises aux fins dernières, une anticipation ou un anti-pasta qui fait les délices des cordes vocales de Réjean.
Pour les Grecs le bonheur dépend des dieux, pour les chrétiens il se réalise chez les dieux.
Cependant, le christianisme avec sa « paix sur la terre aux hommes de bonne volonté » a défait le nœud gordien grec. Ce fut une formule gagnante de rapatriement de la constitution humaine. Dorénavant le bonheur dépend des hommes. Et on donne même la clé pour l'atteindre. Vous l'avez deviné, c'est l'amour.
Le communisme tire dans le même sens. ÉGALITÉ est pour lui le slogan qui exprime le droit à la prospérité, sur terre bien entendu. Partage égal des biens de production prônait Marx.
FRATERNITÉ c'est la postérité acquise par l'enrôlement sous une même bannière, elle est universelle dans l'intention et aussi dans une certaine expansion qu'a co
nnue la flamme communiste avant la chute des murs que l'on sait.
Et au binôme connu, le communisme ajoute la LIBERTÉ comme nouvel ingrédient dans la quête du bonheur. Naturellement il entend par LIBERTÉ la liberté des peuples. Fort occupé à se soumettre les nations sous sa faucille et son marteau, il n'aura pas le temps d'expérimenter ce nouvel ingrédient ni dans la marmite de l'humanité en mijotement de survie et surtout pas dans les pôts-au-feu des individus.
La liberté se conjugue avec la fraternité
Le christianisme a flairé depuis longtemps l'importance de cet ingrédient. Mais par
crainte de saper son œuvre de consolidation de l'autorité, il n'a pas osé l'utiliser autrement qu'en paroles vaporeuses à résonnances d'outre-tombe. Une certaine théologie de la libération a bien embauché un temps le Christ pour accomplir cet œuvre mais les gardes-chiournes du Vatican ont vite remis les pendules à l'heure.
Pourtant la liberté demeure le point de visée de notre humanité en marche.
Dans sa quête de survie, l'humanité, la plupart du temps avec l'aide de sa religion du moment, a soumis les forces aveugles de la nature, elle a domestiqué la vie et s'est initiée au difficile maniement des engrenages de la société.
Aujourd'hui sa survie ne dépend plus des cataclysmes ni des famines. Sa survie et l
e bonheur des humains dépendent dorénavant et de plus en plus du sens que chacun donne à sa vie.
Cette nouvelle facette du bonheur sera mise à jour par la révolution industrielle. Les ouvriers et leurs syndicats dans leurs luttes pour l'autonomie et au travers d'ardues négociations découvrent qu'ils ne sont plus les sujets de quelqu'un d'autre mais des humains à part entière engagés personnellement dans cette course au bonheur. La LIBERTÉ des individus et le mieux être de chacun viennent chapeauter cette nouvelle quête du bonheur.
Déjà, malgré quelques soubresauts, nous avons fait un bon bout de chemin sur cette nouvelle route. Nous nous croyions parvenus à un pallier, une espèce de demeure de bonheur mur-à-mur d'où nous pouvons contempler nos acquis d'humanité.
. Notre époque n'a-t-elle pas écrit la chartre des droits de la personne qui prime sur celle de la société, qui fait des dirigeants non plus les propriétaires ou les maîtres des individus mais leurs techniciens ou serviteurs, qui reconnaît à tout être humain sans distinction de sexe, de race ou de croyance un droit à la vie, à la cité et au bonheur.
Le bonheur, cette denrée autrefois réservée à une certaine classe dirigeante, devient l'apanage de l'individu, de la personne humaine et se mesure par la qualité de vie, par l'espérance de vie, par le confort et par la liberté de tout un chacun.
Nous avons beaucoup de raisons d'être fiers. Cette dernière conquête de notre humanité se traduit et s'exprime par une importante diminution des morts lors des derniers conflits, par la présence agissante et généralement respectée de la Croix et du Croissant Rouge lors des conflits armés, par le raffinement des lois et des
conventions sur les mesures de guerre, par une croissance vertigineuse de l'espérance de vie, par une générosité sans égal des individus et des nations au profit des sinistrés de toute espèce, par une lutte tout de même assez musclée contre toute forme de racisme, par le respect des différentes croyances et par l'ouverture de quelques avenues œcuméniques où circulent encore timidement et en brandissant des pancartes d'entraide, les religions qui hier pratiquaient un indécent maraudage ou se griffaient copieusement.
Et dans ce symposium sur le bonheur nouvelle version, auquel nous sommes convoqués tous les jours, pointe aussi une intolérance de plus en plus orchestrée devant tout ce qui de la part des gouvernants brime la vie, la liberté et une certaine qualité de vie des personnes de quelque race qu'elles soient. Il n'est qu'à écouter non pas les justifications des dirigeants sur le présent conflit, mais les lignes ouvertes où s'expriment Joe Bleau et Jean Gros bon sens pour s'en convaincre.
La déconfiture, on est écoeuré
À peine quelques bouffées d'air frais sur notre pallier à étages et paf, on se retrouve à la case de départ, au petit bonheur tribal qui pour survivre croit devoir exterminer l'autre. On voit une bonne portion de nos humains, nos frères, se déchirer parce que l'autre, la face et la race de l'autre menacent ou pour la possession et le contrôle d'un minable ballon nommé PROSPÉRITÉ qui ne tiendra pas 80 ans dans le jeu de la vie.
On peut être pour ou contre Israël ou le Hezbollah, la mesure et la démesure, le cessez-le-feu ou l'extermination « des puissances du mal » (vocabulaire emprunté à Bush que répète mini-Bush Harper,) mais il y a un commun dénominateur : on est écoeuré, indigné, déçu de l'horreur présente. Les raisons évoquées, les justification
s juridiques, les explications historiques, les palabres d'experts sont cacophonie. On ne veut plus rien entendre de ce charabia. Donnez-nous la paix quotidienne!
Orchestré par les médias, le gros bon sens dit non à la guerre, non aux justifications de la guerre. Les images de la guerre provoquent l'indignation, les soldats de la guerre ne sont plus les héros de la patrie mais des victimes de la bêtise humaine, les marionnettes de viles machinations.
Le mal est dans nos rangs
Le plus décevant dans toute cette aventure ce n'est pas tant qu'il y ait au sein de notre humanité des poches de résistance, des arriérés qui n'ont pas le pas de la majorité, qui boudent les valeurs et les croyances de notre époque. Les tortues continuent à trainer leur lourde carapace même si la vie a inventé de nouvelles façons plus efficaces de se mouvoir et de se protéger.
Ce qui est décevant, ce n'est pas que Israélites et Palestiniens se tirent dessus. Mais que M. Bush gagne sa deuxième ronde à la Maison Blanche en déclarant et en justifiant la guerre en Irak c'est une honte. Qu'un pays par ses chefs, sous le prétext
e de la lutte au terrorisme encourage, justifie, pratique le terrorisme d'état et que personne n'ose dénoncer une telle barbarie! C'est doublement honteux pour l'humanité. Que le premier acte de notre gouvernement nouvellement élu soit de consacrer 15 milliards aux armements de parade pour la guerre des autres, C'est un détournement de fonds inqualifiable. Que des muezzim proclament leur intransigeance du haut des minarets, qu'ils abusent leurs fidèles en leur laissant croire que cette guerre est sainte et qu'elle vaut le sacrifice suprême, c'est triste, scandaleux et sacrilège.
Notre humanité serait-elle comme un sépulcre blanchi tant dénoncé il y a 2000 ans.
Nos acquis de paix, de respect de l'autre, de primauté de la vie, de croyance en la marche ascendante de l'humanité, ... une décevante illusion?
Percé de toutes parts, notre si beau ballon se dégonfle juste avant que la fête commence.
Et bien naïvement nous pensions ces acquis solides et en voie de diffusion sur les routes de la mondialisation. Sperabamus disaient à Emmaus, certains disciples déçus.
Que nous reste-il à faire?
Reprendre nos classes, les sentiers de la guerre, pour acquérir la paix? Si vis pacem... Se résigner et croire aux vertus de l'horreur et des cendres pour générer un ordre nouveau?
Recommencer encore et toujours? Sisyphe devant sa roche.?
Reprendre patiemment la voie des conciliabules, peser les droits dans une balance faussée, régler par déclarations et se laver les mains?
Non cet ordre est pourri. Il peut à peine tenir debout. Il titube et est tout à fait impuissant à nous donner le bonheur ou la paix.
Que nous reste-t-il à faire?
Croire.
Croire d'abord que l'humanité n'a pas fait ce si long et si coûteux parcours (les milliers de morts qu'a coûtés la difficile conquête de chacune des étapes de notre histoire) pour aboutir à ce cul-de-sac, à ce retour à la case de départ, au « bonheur » procuré par la haine, la vengeance, la spoliation des biens.
Dire non et le répéter à la ronde.
Non à la guerre et à toute entreprise qui suppose, exige le sacrifice de vies humaines pour l'obtention d'un bien souvent mal défini. Notre humanité dispose d'assez de ressources pour arriver à ses fins sans qu'il soit nécessaire ou inévitable de recourir à ces expédients de destruction.
Qui peut arrêter la guerre? Qui peut dire non à la guerre, à toute guerre? Sûrement pas les stratèges politiques. Mais monsieur tout-le-monde, de simples humains, débordant d'humanité dont la voix unifiée et amplifiée peut parvenir et s'imposer à toutes les tribunes de décision.
Imaginez les inventions de solutions nouvelles, de programmes, de développement que les dirigeants de tout pays et leurs armées de fonctionnaires pourraient créer s'ils entendaient comme un acouphène permanent le bruit sourd, venant de la population et confirmé par les sondages froid, déterminé, non négociable d'un NON s'amplifiant de jour en jour, se répandant comme une mode ou une chanson sur toutes les ondes du monde NON À LA GUERRE, NON À LA MORT, NON À TOUTE SOLUTION DE MORT.
Un rêve? Non, une réalité, une force déjà présente en nos rangs qui a arrêté la guerre que faisaient les Américains au Vietnam, qui a, dans les années de bon sens, (ou de bon sang) orienté les forces armées canadiennes vers les missions de paix, une force qui a déjà légitimé légalement les objecteurs de conscience.
Si cette voix avait été assez forte, même après le 11 septembre, la gouvernance américaine aurait trouvé d'autres moyens d'assurer la sécurité nationale que d'envahir l'Afghanistan, que d'imaginer des ogives nucléaires pour occuper lrak. Bush n'aurait pas été réélu, et miniBush ne serait pas allé se pavaner en Afghanistan avec un carnet de commande de thanks bien rempli et n'aurait pas osé dire et encore moins répéter qu'Israël était dans son droit de faire la guerre, d'éventrer les maisons des civils et même d'attaquer les représentants de l'ONU.
Le présent conflit, nourri par toutes sortes de malsaines complicités, produira peut-être l'heureux effet de nous écoeurer assez pour que notre NON s'amplifie assez qu'il puisse demain contrer tout effort de guerre.
J'espère que nous ne serons pas morts, mon frère.
Florian
Note de l'illustrateur. L'imagerie proposée n'explique rien mais veut opposer la beauté à l'horreur du sujet traité.
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