vendredi, septembre 22, 2006

Invitation à ce blogue [QduF]

Afin de voguer avec compréhension sur La~Mer~des~Mots, ce cybercarnet invite particulièrement deux catégories de personnes comme participantes actives (billets et/ou commentaires) ou comme lectrices. Qui a participé à l'événement méchoui de juillet 2006 et/ou qui en a entendu parler, forment le premier groupe d'invités. Toutes pourront revenir sur le blogue ponctuel AMETUR et feront aisément un lien avec «le présent héritier». Dans un deuxième élan participatif, un membre du premier groupe aura le loisir d'initier, d'inviter le mortel de son choix, favorisant ainsi l'arborescence de nos communications! Vibrant souhait!

Le gros bon sens permet tout et privilégie...

*Les commentaires sur l'actualité comme les souvenirs structurant le présent; **la poésie ou le simple plaisir d'écrire comme le goût de mettre en exergue ce qu'on vient tout juste de lire, d'apprendre, de réfléchir, de voir, d'entendre, de sentir, de goûter, de toucher; ***les voyagements, les loisirs, les dadas comme l'opinion méditée; ****le passage de la conversation à la discussion. *****Et toutes bonnes initiatives. Souhait d'explosion neuronale!

Le gros bon sens permet tout et accompagne l'intérêt commun (c'est la seule restriction). Il en va de la « pléthore de bloguenautes » que La~Mer~des~Mots recrutera!

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Sautez dans La~Mer~des~Mots. Chantez avec nous, elle sera bonne!

Un Quidam duFleuve.

mercredi, septembre 20, 2006

Au bonheur par l'horreur [fj]

Réflexion sur l'horreur de ce temps Israël-Liban


« Chaque partie en présence rend l'autre camp responsable de la violence et campe sur ses positions. Pour bon nombre de groupes armés, le meilleur des accords de paix n'effacera jamais le goût de la haine et de la vengeance. »

( Avis aux lecteurs: Ce texte se lisait sur le blogue 'La-mer-des-Mots, première version', le 28 juillet 2006. )

Haine et vengeance


C'est la conclusion du dossier publié par Radio Canada à l'occasion du 50e anniversaire de la création de l'État d'Israël. Ce dossier énumère en détail 50 ans d'actions et de réactions chien-chat entre Israël et les Palestiniens .

C'est une histoire tellement complexe qu'une chatte y perdrait ses chatons. Haine et vengeance voilà bien la dominante de ces 50 ans de guerre. Pas Dieu, ni Allah, ni Yahvé ni la foi, ni la charia comme le pense notre ardent Jacques.


Dieu, de quelque côté qu'on le poste dans cette histoire, sert de paravent, de bonne conscience et de justificateur silencieux de toutes ces horreurs pas comme origine ni comme cause. Si on lui donnait le rôle d'arbitre il ne saurait déterminer qui a commencé ni qui est dans son droit et qui ne l'est pas. Comment voulez-vous que les Nations « désunies » puissent le faire. À moins que l'un n'extermine l'autre ou que les deux s'épuisent à mourir, le disque va répéter cette même plage tellement le sillon est gravé profond, pendant 50 ou 100 ans

encore.

Ce n'est pas une question de religion ni une question de droit. C'est une question de bonheur. Une réédition de l'histoire de notre aspiration au bonheur et des moyens que nous avons pris pour l'atteindre. C'est ce que je m'appliquerai à montrer.





Le bonheur


Le bonheur, il est défini depuis longtemps et de moult façons.

Sur la table à dessin de l'humanité en route il a pris des noms différents. Pour les Hébreux, (nom plus auréolé pour désigner les Juifs victimes du nazisme ou Israël passé à la une des agresseurs de notre époque,) pour les Hébreux dis-je, le bonheur s'épelle en deux mots : POSTÉRITÉ et PROSPÉRITÉ, le lait et le miel qui furent pour la horde des va-nu-pieds sortis de l'Égypte, les deux mamelles nourricières, les deux oriflammes de ralliement dans la conquête de la terre de Canaan.


POSTÉRITÉ, c'est l'héritage des civilisations agraires qui ont généré la fraternité du clan dans le sein maternel et établi la base des droits de la tribu protectrice du mieux être de chacun. C'est le lait maternel. Soumis à la chauffe du frottement des peuples ce lait devient facilement le sang vengeur source de beaucoup d'horreurs que nous avons du mal à oublier.


PROSPÉRITÉ, c'est l'héritage des Hittites et des Égyptiens. Ces nations, dans leur quête de survie, Darwin dirait dans la lutte de la vie pour la vie, ont compris que le lait maternel ne suffisait pas. Il fallait le miel c'est-à-dire l'or de la prospérité comme contrepoids à la force aveugle du lait clanique qui monte si facilement en sang tribal.


Les Hittites ont été les premiers à faire la guerre pour les dividendes qu'elle rapporte. On a partagé les butins de guerre, levé des impôts négocié des traités et respecté les dieux locaux. Les Égyptiens et les autres nations ont suivi. Le bonheur s'abreuvait outre-frontières. Il se coulait dans l'or et le pouvoir qu'assuraient les guerres de conquête


Ces deux puissants motifs de guerre (juste), préserver la postérité ou l'ethnie ou la race et assurer la prospérité se sont conjugués avec le mot « shalom » paix, mot né au Moyen-Orient et qui exprime tant pour les Juifs que pour les Arabes et pour nous aussi, l'optimum des souhaits servis en toute circonstance. On fait la guerre pour la paix (si vis pacem...) la paix assure la richesse, le bonheur parfait! Double plénitude : la vie et la richesse.

En termes populaires le bonheur selon Yvon Deschamps s'exprime par cette Lapalissade : « Il vaut mieux vivre riche et en santé que pauvre et malade. »


L'inaccessibilité de ce bonheur à deux temps toujours ressentie est solutionnée chez les Grecs par le « fatum », le destin, clé passe-partout qui explique l'inexplicable,

camisole de force qui contraint les récalcitrants. Le bonheur est pipé. Il faut s y soumettre. Même Aristote du haut de son podium dressé par Jacques n'a pas su y échapper.


Devant la difficulté de faire quotidiennement la cueillette du bonheur dans ces deux champs précités, le chrétiens vont sublimer. La POSTÉRITÉ devient fraternité universelle. La fraternité chrétienne, source de bonheur, dépasse la fratrie. Elle est mondiale. Elle réunit tous les humains sans distinction. Elle ne vient pas du lait maternel mais de l'eau du baptême (sang du Christ) qui fait fils de Dieu.


La PROSPÉRITÉ, toujours objet de conquête est promise non sur la terre mais dans le royaume des cieux et s'achète par les mérites d'une vie vertueuse et soumise..


Et la conjonction des deux, sublimée aussi, donne le même souhait de paix chantée par l'harmonie des chœurs angéliques, jouissances extrêmes promises aux fins dernières, une anticipation ou un anti-pasta qui fait les délices des cordes vocales de Réjean.


Pour les Grecs le bonheur dépend des dieux, pour les chrétiens il se réalise chez les dieux.

Cependant, le christianisme avec sa « paix sur la terre aux hommes de bonne volonté » a défait le nœud gordien grec. Ce fut une formule gagnante de rapatriement de la constitution humaine. Dorénavant le bonheur dépend des hommes. Et on donne même la clé pour l'atteindre. Vous l'avez deviné, c'est l'amour.


Le communisme tire dans le même sens. ÉGALITÉ est pour lui le slogan qui exprime le droit à la prospérité, sur terre bien entendu. Partage égal des biens de production prônait Marx.


FRATERNITÉ c'est la postérité acquise par l'enrôlement sous une même bannière, elle est universelle dans l'intention et aussi dans une certaine expansion qu'a co

nnue la flamme communiste avant la chute des murs que l'on sait.


Et au binôme connu, le communisme ajoute la LIBERTÉ comme nouvel ingrédient dans la quête du bonheur. Naturellement il entend par LIBERTÉ la liberté des peuples. Fort occupé à se soumettre les nations sous sa faucille et son marteau, il n'aura pas le temps d'expérimenter ce nouvel ingrédient ni dans la marmite de l'humanité en mijotement de survie et surtout pas dans les pôts-au-feu des individus.


La liberté se conjugue avec la fraternité


Le christianisme a flairé depuis longtemps l'importance de cet ingrédient. Mais par

crainte de saper son œuvre de consolidation de l'autorité, il n'a pas osé l'utiliser autrement qu'en paroles vaporeuses à résonnances d'outre-tombe. Une certaine théologie de la libération a bien embauché un temps le Christ pour accomplir cet œuvre mais les gardes-chiournes du Vatican ont vite remis les pendules à l'heure.


Pourtant la liberté demeure le point de visée de notre humanité en marche.

Dans sa quête de survie, l'humanité, la plupart du temps avec l'aide de sa religion du moment, a soumis les forces aveugles de la nature, elle a domestiqué la vie et s'est initiée au difficile maniement des engrenages de la société.


Aujourd'hui sa survie ne dépend plus des cataclysmes ni des famines. Sa survie et l

e bonheur des humains dépendent dorénavant et de plus en plus du sens que chacun donne à sa vie.

Cette nouvelle facette du bonheur sera mise à jour par la révolution industrielle. Les ouvriers et leurs syndicats dans leurs luttes pour l'autonomie et au travers d'ardues négociations découvrent qu'ils ne sont plus les sujets de quelqu'un d'autre mais des humains à part entière engagés personnellement dans cette course au bonheur. La LIBERTÉ des individus et le mieux être de chacun viennent chapeauter cette nouvelle quête du bonheur.


Déjà, malgré quelques soubresauts, nous avons fait un bon bout de chemin sur cette nouvelle route. Nous nous croyions parvenus à un pallier, une espèce de demeure de bonheur mur-à-mur d'où nous pouvons contempler nos acquis d'humanité.

. Notre époque n'a-t-elle pas écrit la chartre des droits de la personne qui prime sur celle de la société, qui fait des dirigeants non plus les propriétaires ou les maîtres des individus mais leurs techniciens ou serviteurs, qui reconnaît à tout être humain sans distinction de sexe, de race ou de croyance un droit à la vie, à la cité et au bonheur.

Le bonheur, cette denrée autrefois réservée à une certaine classe dirigeante, devient l'apanage de l'individu, de la personne humaine et se mesure par la qualité de vie, par l'espérance de vie, par le confort et par la liberté de tout un chacun.


Nous avons beaucoup de raisons d'être fiers. Cette dernière conquête de notre humanité se traduit et s'exprime par une importante diminution des morts lors des derniers conflits, par la présence agissante et généralement respectée de la Croix et du Croissant Rouge lors des conflits armés, par le raffinement des lois et des

conventions sur les mesures de guerre, par une croissance vertigineuse de l'espérance de vie, par une générosité sans égal des individus et des nations au profit des sinistrés de toute espèce, par une lutte tout de même assez musclée contre toute forme de racisme, par le respect des différentes croyances et par l'ouverture de quelques avenues œcuméniques où circulent encore timidement et en brandissant des pancartes d'entraide, les religions qui hier pratiquaient un indécent maraudage ou se griffaient copieusement.


Et dans ce symposium sur le bonheur nouvelle version, auquel nous sommes convoqués tous les jours, pointe aussi une intolérance de plus en plus orchestrée devant tout ce qui de la part des gouvernants brime la vie, la liberté et une certaine qualité de vie des personnes de quelque race qu'elles soient. Il n'est qu'à écouter non pas les justifications des dirigeants sur le présent conflit, mais les lignes ouvertes où s'expriment Joe Bleau et Jean Gros bon sens pour s'en convaincre.


La déconfiture, on est écoeuré

À peine quelques bouffées d'air frais sur notre pallier à étages et paf, on se retrouve à la case de départ, au petit bonheur tribal qui pour survivre croit devoir exterminer l'autre. On voit une bonne portion de nos humains, nos frères, se déchirer parce que l'autre, la face et la race de l'autre menacent ou pour la possession et le contrôle d'un minable ballon nommé PROSPÉRITÉ qui ne tiendra pas 80 ans dans le jeu de la vie.


On peut être pour ou contre Israël ou le Hezbollah, la mesure et la démesure, le cessez-le-feu ou l'extermination « des puissances du mal » (vocabulaire emprunté à Bush que répète mini-Bush Harper,) mais il y a un commun dénominateur : on est écoeuré, indigné, déçu de l'horreur présente. Les raisons évoquées, les justification

s juridiques, les explications historiques, les palabres d'experts sont cacophonie. On ne veut plus rien entendre de ce charabia. Donnez-nous la paix quotidienne!


Orchestré par les médias, le gros bon sens dit non à la guerre, non aux justifications de la guerre. Les images de la guerre provoquent l'indignation, les soldats de la guerre ne sont plus les héros de la patrie mais des victimes de la bêtise humaine, les marionnettes de viles machinations.

Le mal est dans nos rangs


Le plus décevant dans toute cette aventure ce n'est pas tant qu'il y ait au sein de notre humanité des poches de résistance, des arriérés qui n'ont pas le pas de la majorité, qui boudent les valeurs et les croyances de notre époque. Les tortues continuent à trainer leur lourde carapace même si la vie a inventé de nouvelles façons plus efficaces de se mouvoir et de se protéger.


Ce qui est décevant, ce n'est pas que Israélites et Palestiniens se tirent dessus. Mais que M. Bush gagne sa deuxième ronde à la Maison Blanche en déclarant et en justifiant la guerre en Irak c'est une honte. Qu'un pays par ses chefs, sous le prétext

e de la lutte au terrorisme encourage, justifie, pratique le terrorisme d'état et que personne n'ose dénoncer une telle barbarie! C'est doublement honteux pour l'humanité. Que le premier acte de notre gouvernement nouvellement élu soit de consacrer 15 milliards aux armements de parade pour la guerre des autres, C'est un détournement de fonds inqualifiable. Que des muezzim proclament leur intransigeance du haut des minarets, qu'ils abusent leurs fidèles en leur laissant croire que cette guerre est sainte et qu'elle vaut le sacrifice suprême, c'est triste, scandaleux et sacrilège.


Notre humanité serait-elle comme un sépulcre blanchi tant dénoncé il y a 2000 ans.


Nos acquis de paix, de respect de l'autre, de primauté de la vie, de croyance en la marche ascendante de l'humanité, ... une décevante illusion?

Percé de toutes parts, notre si beau ballon se dégonfle juste avant que la fête commence.

Et bien naïvement nous pensions ces acquis solides et en voie de diffusion sur les routes de la mondialisation. Sperabamus disaient à Emmaus, certains disciples déçus.


Que nous reste-il à faire?


Reprendre nos classes, les sentiers de la guerre, pour acquérir la paix? Si vis pacem... Se résigner et croire aux vertus de l'horreur et des cendres pour générer un ordre nouveau?

Recommencer encore et toujours? Sisyphe devant sa roche.?

Reprendre patiemment la voie des conciliabules, peser les droits dans une balance faussée, régler par déclarations et se laver les mains?

Non cet ordre est pourri. Il peut à peine tenir debout. Il titube et est tout à fait impuissant à nous donner le bonheur ou la paix.


Que nous reste-t-il à faire?

Croire.

Croire d'abord que l'humanité n'a pas fait ce si long et si coûteux parcours (les milliers de morts qu'a coûtés la difficile conquête de chacune des étapes de notre histoire) pour aboutir à ce cul-de-sac, à ce retour à la case de départ, au « bonheur » procuré par la haine, la vengeance, la spoliation des biens.


Dire non et le répéter à la ronde.

Non à la guerre et à toute entreprise qui suppose, exige le sacrifice de vies humaines pour l'obtention d'un bien souvent mal défini. Notre humanité dispose d'assez de ressources pour arriver à ses fins sans qu'il soit nécessaire ou inévitable de recourir à ces expédients de destruction.

Qui peut arrêter la guerre? Qui peut dire non à la guerre, à toute guerre? Sûrement pas les stratèges politiques. Mais monsieur tout-le-monde, de simples humains, débordant d'humanité dont la voix unifiée et amplifiée peut parvenir et s'imposer à toutes les tribunes de décision.


Imaginez les inventions de solutions nouvelles, de programmes, de développement que les dirigeants de tout pays et leurs armées de fonctionnaires pourraient créer s'ils entendaient comme un acouphène permanent le bruit sourd, venant de la population et confirmé par les sondages froid, déterminé, non négociable d'un NON s'amplifiant de jour en jour, se répandant comme une mode ou une chanson sur toutes les ondes du monde NON À LA GUERRE, NON À LA MORT, NON À TOUTE SOLUTION DE MORT.


Un rêve? Non, une réalité, une force déjà présente en nos rangs qui a arrêté la guerre que faisaient les Américains au Vietnam, qui a, dans les années de bon sens, (ou de bon sang) orienté les forces armées canadiennes vers les missions de paix, une force qui a déjà légitimé légalement les objecteurs de conscience.


Si cette voix avait été assez forte, même après le 11 septembre, la gouvernance américaine aurait trouvé d'autres moyens d'assurer la sécurité nationale que d'envahir l'Afghanistan, que d'imaginer des ogives nucléaires pour occuper lrak. Bush n'aurait pas été réélu, et miniBush ne serait pas allé se pavaner en Afghanistan avec un carnet de commande de thanks bien rempli et n'aurait pas osé dire et encore moins répéter qu'Israël était dans son droit de faire la guerre, d'éventrer les maisons des civils et même d'attaquer les représentants de l'ONU.


Le présent conflit, nourri par toutes sortes de malsaines complicités, produira peut-être l'heureux effet de nous écoeurer assez pour que notre NON s'amplifie assez qu'il puisse demain contrer tout effort de guerre.


J'espère que nous ne serons pas morts, mon frère.


Florian


Note de l'illustrateur. L'imagerie proposée n'explique rien mais veut opposer la beauté à l'horreur du sujet traité.




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DES FRERES “EN CRAVATE” [fj]

186— La Voix des Frères du Sacré-Cœur – Janvier 1962

DES FRERES “EN CRAVATE”
Par FRERE FLORIAN, SC.. (Montréal)

( Avis aux lecteurs: Ce texte se lisait sur le blogue 'La-mer-des-Mots, première version', le 9 juillet 2006. )

Je me souviens d’avoir éprouvé un malaise indéfinissable quand j’appris que nous, les Frères, n’étions que des religieux-laïcs, pas même exempts.

J’ai par la suite vu grimacer bien des visages sous cette désagréable impression de se croire un sous-produit. Ce mot “laïc’ accroché comme ça à “religieux” semble à plus d’un une verrue juridique qu’on aurait en pleine face. Aussi que d’efforts et d’aspirations visant à l’éliminer ou du moins à le faire oublier.

Quelques-uns (des exceptions sûrement car ils ne sont pas nombreux ceux qui pensent tout haut) diront qu’il ne s’agit que d’un bouton de jeunesse qui passera avec l’âge. A les entendre, il est possible, il est probable, il est même presque certain (selon le degré d’intoxication) que dans un avenir rapproché, pour répondre aux besoins grandissants de l’Église, les Frères recevront les ordres sacrés, au moins le diaconat soufflent les plus timorés.

Certains chercheront compensation dans la pensée messianique que nous vivons actuellement les catacombes de notre sublime vocation appelée à orienter plus tard la pensée mondiale catholique. D’autres n’ayant pas le charisme d’une ample vision cueilleront patiemment sous la bouche des plus éminents prélats toutes les paroles d’allocution, de bénédiction, de cinquantenaire ou de centenaire louant la valeur, l’opportunité, la nécessité de l’apostolat (l’on dit généralement du travail) des frères. Ils se composeront ainsi une panoplie bien garnie de textes capables de les protéger et de les défendre contre toutes les incompréhensions qu’ils rencontreront au cours de leur pérégrination de religieux-laics résignés.

Ce malaise, allié à un prosélytisme nécessaire à notre survie donnera parfois le branle à de cocasses envolées oratoires où le frère est brillamment comparé
au prêtre séculier. Alors “laïc” est fondu dans le ‘séculier” et les deux sont noyés sous la verve d’une puissante exaltation de la vie religieuse.

Un autre, craignant le sens péjoratif du mot laïc, suggère tout simplement de le taire le plus possible pour braquer tous les phares de la publicité sur le religieux, degré supérieur dans l’ordre de l’excellence catholique.

Et qui d’entre nous peut se vanter de ne s’être jamais prélassé dans un pré sacerdotal rendu accessible grâce à l’équivoque d’un costume identique ou tout au moins de n’avoir pas désiré un document officiel, argument massue , qui précisant notre situation dans l’Église liquiderait tous les préjugés réels ou imaginaires dont nous sommes depuis si longtemps les pauvres victimes.

Voilà autant de symptômes d’une digestion difficile. On aurait mal absorbé ]a situation qui nous est faite dans l’Église et la société.

Et voici qu’en juin dernier son Éminence le Cardinal Léger impose le port de la cravate aux religieux-laïcs de son diocèse. N’est-ce pas charger d’un mets reconnu indigeste un estomac nourri aux plus délicates valeurs de l’idéal religieux? Le hoquet plus ou moins discret de certains religieux le laisse croire. Mais à bien y penser, cependant, abstraction faite de ses incidences en d’autres domaines, la décision ne serait-elle pas pour nous une cure salutaire? Elle a au moins le mérite de nous mettre bien en face de notre fonction de laïcs dans l’Église et de nous inviter à la considérer avec plus d’attention pour l’exploiter avec plus de profit.

Il semble d’abord utile de préciser le sens des termes laïcs et religieux. C’est un truisme de rappeler que laïc ne s’oppose pas à chrétien. II vient de « laos » , peuple, et servait à distinguer dans le grec biblique le peuple de Dieu des « goïn », ces nations païennes qui ne connaissaient pas Yahvé. Le sens péjoratif de laïc venu avec les Encyclopédistes va donc a l’opposé de son sens premier qui n’indique rien de profane.

Laïc ne s’oppose pas davantage à religieux comme le laisserait croire le Larousse et l’emploi courant le plus abusif. L’expression «religieux-laïc » n’a rien de paradoxal. Être et paraître plus laïc ne signifie pas être moins religieux. Ce n’est pas à force de n’être pas laïc qu’on devient plus religieux.

Certes, il ne manque pas d’auteurs pour fonder la distinction entre clercs et laïcs sur le partage plus ou moins confusément établi entre sacré et profane. Pour ces auteurs, les clercs, éléments plus volatils, prennent leur essor vers le haut et oeuvrent dans le sacré, Et bien entendu ces auteurs ne manqueront pas le petit renvoi caractéristique qui applique “mutatis mutandis” ces considérations aux religieux non-clercs, ces êtres un peu exceptionnels qui nageraient entre deux eaux: le profane et le sacré.

Les laïcs seraient résolument les hommes du temporel, les tâcherons du profane à sauver. Hier corvéables à merci ils formeraient aujourd’hui le syndicat des manoeuvres de l’Église dont on apaiserait les revendications à l’arbitrage du monde par de pompeux titres de noblesse dénichés dans je ne sais quelle généalogie royale.

D’autres, voulant embrigader les laïcs dans l’action de l’Église qui ne serait que hiérarchique, soutiennent que tout apostolat est de soi clérical et, exercé par des laics, il confère une certaine cléricature à ces apôtres qui cessent d’être de ce fait laïcs. Que sont alors les laïcs? De pauvres hyliques de la gnose ancienne qui se mériteraient, par une action apostolique plus sacrée, une promotion au sein des pneumatiques que seraient les clercs. Le pape Pie XII s’est inscrit en faux contre cette théorie du P. Rahner, s.j. en proclamant au 11e congrès de l ‘apostolat laïc que si une mission particulière associe de plus près le laïc à la conquête spirituelle du monde que mène l’Église sous la direction de ses pasteurs, elle ne lui confère aucun des pouvoirs d’ordre et de juridiction qui restent liés à la réception du sacrement de l’Ordre. (1)

Sans compter que ces tentatives d’explication font une situation peu glorieuse au laïc et paradoxale au religieux,-laïcs, elles ne semblent pas davantage rendre justice au donné révélé.

Le Christ n’a fondé qu’une Église. Elle est son Corps, il en est le Chef. Comme Chef il la conduit à son terme par l’intermédiaire des hommes, les chrétiens, qui participent tous à son pouvoir de Chef. L’apostolat n’a jamais été considéré comme une fonction réservée dans l’Église. Toute vie chrétienne authentique engage l’Église, dirige, sanctifie, enseigne. Mais le clerc participe différemment du laïc à ce pouvoir de chef du Christ. Choisi par le Christ, il le représente dans son pouvoir souverain vis-à-vis des autres membres. Il est CONSTITUÉ EN AUTORITÉ. . Son pouvoir et son ministère sont hiérarchiques. Le pouvoir et le ministère du laïc, spirituels, sacrés, dérivés du Christ, communiqués aux apôtres et non délégués par la hiérarchie, ne s’exercent qu’en relation aux pouvoirs hiérarchiques.

C’est donc la constitution en autorité, d’origine divine et conférée par le sacrement de l’Ordre et non les fluctuantes caractéristiques des états de vie qui, dans l’Église, établit la démarcation entre clercs et laïcs. Laïc ne connote aucune idée de profane qui l’opposerait à religieux ou à sacré. La fonction laïque est essentiellement positive et ne marque aucune limite dans l’engagement apostolique. Si par la suite l’état laïc paraît plus engagé dans le temporel et l’état clérical plus spirituel, plus sacré, moins profane, c’est une dérivation, et encore non nécessaire, de la fonction laïque ou sacerdotale et non un plan de clivage entre les deux ordres. « Quel que soit son état de vie, écrit V. Portier, le prêtre n’est pas prêtre parce qu’il oeuvrerait dans le domaine ecclésial : le laïc n’est pas laïc parce qu’il oeuvrerait dans un domaine temporel. »

« Quel que soit leur état de vie, l’un et l’autre sont prêtre et laïc parce qu’avec le Christ, en l’Église, pour travailler au salut du monde, ils participent bien que différemment au pouvoir même du Christ et ces pouvoirs de l’Église — ceux des fidèles et ceux des prêtres s’étendent à tout et partout, qu’ils s’exercent ou dans la “mouvance” du sacré ou dans celle de l’ecclésial ou dans celle du profane privé ou dans celle du profane public. » (2)

Laïc n’est donc pas de boulet de forçat accroché au pied du religieux qui freinerait son élan vers le haut ni une entrave à son engagement apostolique. Dans la même ligne de pensée, le religieux ne dépasse pas non plus le laïc. C’est dans le laïc et dans tout ce que la fonction laïque comporte dans l’Église qu’un Frère est religieux. Un Frère pas le résultat de l’équation L plus R égale F, mais bien de celle-ci : L par R égale F. Pour le Frère « laïc » » doit jouer le même rôle que « clerc » pour le religieux-prêtre.

La confusion naît de l’emploi courant de «laïc» pour « séculier ». Il ne s agit pas d’organiser une battue contre cet usage qui persistera probablement, .mais si nous désirons déterminer notre place et fonction dans l’Église l’examen du sens propre des mots qui nous définissent est de rigueur. Quand l’Église nous baptise « religieux laïcs », le sens de laïc n’est pas seulement juridique, il est théologique et il est clair que l’Église ne signifie pas séculier. De même lorsque le Cardinal-archevêque de Montréal impose un costume qui nous distingue des clercs et nous rapproche davantage de la masse des autres laïcs de l’Église il ne vise pas la sécularisation des religieux de son diocèse mais une insertion plus profonde dans le peuple de Dieu.

Notre vocation de religieux-laïc nous situe au coeur du “laos”, peuple de Dieu en marche. Si le religieux en nous doit refléter le sens de la communauté fraternelle, le laïc devrait nous infuser, et à tout l’institut comme corps, le sens de la communauté ecclésiale et nous inscrire au coeur de cette communauté. La profession religieuse ne nous confère aucune autorité dans l’Église et le mandat confié par l’Église à notre congrégation ne nous sort pas des rangs des ouvriers de la Vigne, Il ne nous cléricalise en aucune façon. Notre titre de religieux ne nous fait pas tête dans l’Église mais coeur, coeur débordant de ce dynamisme qu’est la charité “serviable, jamais envieuse, qui ne se rengorge jamais, ni ne fanfaronne, ,ne cherche pas son intérêt mais met sa joie dans la venté”. (I Cor.l3, 4s).

Un ample courant de collaboration qui se traduit concrètement par des contacts, rencontres, comités, commissions, réunions de toutes sortes, situe nos initiatives apostoliques dans la “mouvance” même du peuple de Dieu. Pour simplifier disons que notre action se démocratise et ce n’est jas trop tôt. De plus, nous coudoyons tous les jours les éducateurs séculiers. Nous relevons d’une même autorité, accomplissons la même besogne, et déjà quelques laïcs (séculiers) fréquentent nos Écoles Normales comme nous fréquentons occasionnellement les leurs.

Bref, professeurs religieux et séculiers sont réunis par un dénominateur commun : l’éducation, apostolat laïc éminent entre tous. Dans cette attitude générale qui n’est peut-être encore parvenue qu’au niveau des gestes, toute tendance séparatiste serait mal venue. Depuis plusieurs années déjà les éducateurs séculiers enseignent dans nos écoles. Il ne serait pas tellement contraire à notre caractère de religieux que nous enseignions aussi dans les leurs ou tout simplement que sous la poussée des conditions historiques, cette démarcation entre « nos écoles » et « leurs écoles » vienne à disparaître.

En tout cas afficher à temps et à contre-temps la supériorité de l’état religieux sur l’état séculier, s’en autoriser pour revendiquer des droits de gérance sur une oeuvre du peuple saint, se croire lésés parce qu’on ne nous les reconnaît pas, relève d’une mentalité encore au siècle de l’apologétique et traduit bien mal le sens du peuple de Dieu qu’annonce notre vocation de religieux-laïc.

C’est un même sens du peuple de Dieu qui a poussé nos fondateurs à venir en aide aux pauvres et aux délaissés de la société qui hier inspirait Pie XII d’apporter les adaptations que l’on sait aux congrégations religieuses et qui aujourd’hui nous incite à intégrer notre action à celle de tous les membres de la communauté en marche. Nous demandera-t-il demain de sacrifier des institutions chères au profit d’une influence plus discrète mais plus efficace dans tous les secteurs de l’éducation chrétienne? Notre chrétienté, plus personnaliste, et si facilement prévenue contre toute odeur d’autoritarisme réagit par contre très favorablement au rayonnement communicatif d’une présence.

Ce sens du peuple de Dieu qu’on ne peut absolument pas détacher de notre vocation de religieux, car être religieux-laïc c’est tout un, relève avant tout d’une
conception intérieure absolument possible avec ou sans cravate. Mais il n’est pas mauvais qu’un signe extérieur rappelle aux gens, si traditionnellement portés à nous considérer comme des demi-curés, que nous sommes des leurs et nous mette constamment au pas du peuple de Dieu.

1) Documentation Catholique, 10 nov. l957, col. 1416.
2) Apostolat des Laïcs, dans “Masses ouvrières’ janv.
1956; no 137, p. 46. Cité par Mgr Ls-M. Bazelaire, Les laïcs aussi sont de l’Église, p. 22.