Samedi, le 27 décembre 2008. Jour de verglas.
Pièce de théâtre-vérité en trois actes
Titre
Ça, bergers assemblons-nous, allons voir 264 crèches.
Synopsis du livret
Une journée grise et maussade du Temps des Fêtes à ne pas mettre un chien dehors. Deux enfants d'âge à grouiller toute la journée, en congé, patinoire de l'arèna fermée... Une mère amère devant ce temps d'enfermement, désolée comme déboussolée. Le ciel et un grand-oncle composeront une « Chaconne » (tchakconné... à l'espagnol!) originale en trois mouvements: oratorio, requiem et saltarelle (instruction?).
Les acteurs
Sortis du couffin mais toujours cousins:
Gaby, jolie princesse des glaces; 9 ans, de caractère affirmé.
Phill, impossible manège de 10 ans; « tu m'occupes ou je t'occupe... ».
Plus grands:
Douce, la mère amère; 35 ans de sourires attachants.
Son oncle, duFleuve, en partielle harmonie avec ce ciel.
Plus gros essence-tiel;
VUS, 4X4, ford-en-forme pour affronter le verglas.
Avis au lecteur. Les surnoms ont été conservés afin qu'on puisse reconnaître les personnages.
Matériel d'acteur
Patins, parapluie, bouteille d'eau. (Les genouillères auraient été appréciées...)
Partons, l'affaire est belle. Embarquons sous la pluie glaciale de Repentigny, direction Mont-Royal.
Premier mouvement: oratorio.
Vous connaissez l'Oratorio de San Jose de Montréal avec ses 264 crèches? Ce château au capuchon vert tout en haut d'un glacier circonstancier? Faut savoir que bon nombre d'enfants, de la génération de Phill et Gaby, n'ont jamais appris l'histoire du petit Jésus. Rien! C'est le silence dans leur imagination face au boeuf et l'âne... Je leur ferai tout subir!
Les dévots du sanctuaires savent que le site offre cinq niveaux de stationnement. À l'approche, le prétentieux VUS accèdera, avec risque, au deuxième ciel. Où est la glace? La glace est partout. Nous sommes rendus chez Lui. Notre calvaire commence au son de 'la danse des canards'. Mes pupilles apprennent que ces interminables escaliers se montent à genoux à la 'ferveur' du temps. Un « Ein? » d'incrédulité les jettera par terre; première chute. Inutile de compter les suivantes.
Appuyé par la dévotion du Frère André, je dévoilerai les pans architecturaux et l'utilisation de leur espace. Je m'introduis « enseignant du cours de culture religieuse 101 »... Back to the futur.
La première porte s'ouvre sur la crypte de 1917. Première leçon de chose dans un presque silence puisqu'il y a office. L'Eucharistie se distribue. Gaby s'inquiète du geste. Le ciel sombre cache la beauté des vitraux. 'Suivez le guide'.
Ce local en longue émotion est nommé 'chapelle votive'... Le nombre impressionnant de lampes, de béquilles surtout, de dévots en dialogue avec l'au-delà, l'odeur cireuse rappelant le diésel, le sarcophage du Frère André (décédé le 6 janvier 1937 à l’âge de 91 ans) sortent les enfants de toute tranquillité religieuse. Ça veut savoir ce qui se passe ici!
« Non! J'ai dit! On ne prend pas les ascenseurs. On visite tous les racoins possibles. »
L'ascension s'arrêtera brièvement au grand balcon dans la brume, devant la murale du 50e, un premier magasin de souvenirs. Le musée du Frère André me fera surtout commenter l'époque de leur arrière-gd-père, mon père qui a toujours été fier d'avoir connu personnellement le saint Frère. Des millions de gens ont connus 'personnellement' le charismatique portier. D'explications en commentaires, sommes devant le coffre-fort protégeant la relique; le coeur dans le bocal. Leurs cinq sens sont à vifs! Quand on ne sait pas c'est quoi une relique... Je tiens une histoire à les faire revenir au dernier Halloween. Le tout autour m'impose le respect que je dois leur faire sentir. Je n'en dérogerai pas tout au long de ce chemin de croix...
Juste là, oui, une porte nous invite au chemin de croix extérieur... « C'est quoi ça le chemin de croix? » – On en reparlera après la visite des crèches. Entrez. L'histoire du petit Jésus est payante. Comme tous les musées. Très intéressant. Ne sommes pas spoliés! Cent onze pays, pensez donc!
Après une dizaine de crèches, on sait dans quoi on est. L'ignorance fait surface. Le « c'est quoi l'histoire » arrive. Bien dadon, sur le mur, un verset de l'évangéliste Luc. Ils le lisent. « Vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. Luc 2, 12 » J'attends leurs yeux.
« Emmailloté? » pour un. « Mangeoire d'oiseaux?» pour l'autre. L'âne, le boeuf, la chaleur, la Vierge enfante, le père putatif, le rejet social... Ouf! C'est trop. Je les ferai arrêter à la beauté des choses. L'effort artistique est palpable. Ça leur plaît... 200 crèches plus tard, c'est gagné.
L'exposition est voisine des scènes de la « Famille » grandeur nature. C'est surtout là que je parlerai d'une histoire « inconnue, toute neuve ». La fuite en Égypte, la circoncision, la présentation, Jésus devant les savants... la crucifiction, un tout nouveau mot. L'impression n'est pas mineure. Du moins, je me le fais accroire. L'impatience gagne leurs jambes... Faut avancer.
Lourdes portes lourdes de sens. Lieu ceint. La basilique saisit même les enfants. Lentement, la tête giratoire, on en fait le tour. Ils désirent monter sur la scène... Ils ne se savaient pas si près de la cène! Derrière le maître-autel, une grille distance un tabernacle très orné et une lampe vivante. À entendre le mot tabernacle, les deux se regardent, complices dans la prononciation... « Dans le tabernacle, un vase nommé ciboire, contenant des hosties est un trésor religieux pour les gens qui viennent prier ici. Savez-vous ce que veux dire le mot prier? » Avec le mot 'sacrement', ils ont compris l'origine, l'assise, l'emprunt de quatre vocales de la culture québécoise. Suivez le guide... dehors.
La patinoire d'une traîtrise sans maîtrise nous mène à la petite chapelle du Frère bâtisseur. On y lâche un peu son fou sous les constants coups de goupillons d'un ciel aveugle et sans pitié. Nous sommes les seuls visiteurs du moment. Tout est ouvert et sans gardiennage mais la chambre du dessus n'est pas accessible. Bof! Nous en avons assez et on a faim.
La glace nous dérape à un stationnement plus bas. Tous les orgueilleux chuterons, reniant leur maladresse. La pluie, le maudit vent continuent de nous pousser, sur peaux de bananes, jusqu'au pavillon des pèlerins. Beau site, belle vue pour se restaurer mais la brume casse le fun. Ces rois du jour décident de manger ailleurs. Ce sera au Chalet du Lac des Castors. Le retour à l'auto fut d'une drôlerie claudicante.
Deuxième mouvement: requiem
Malgré de fausses peurs manifestées, j'entre au cimetière Notre-Dame-des-Neiges. Ils n'ont jamais vu des grosses tombes « de même ». Aujourd'hui, ce lieu est propice aux morts comme tous les autres jours mais aussi pour les gros gars s'amusant en VUS! Avec plaisir, je me rends à l'administration. Sur un bonjour sirupeux de la réception, je m'empresse de rejeter tout pré-arrangement. « Auriez-vous un plan du cimetière indiquant le lieu des occupants célèbres?» C'est comme « au Père Lachaise », me voilà équipé du GPS des fossoyeurs. Première trouvaille, le dernier banc de punition de Maurice Richard, lot #9. Wow! « J'veux une photo avec mon bâton de hockey »... Sitôt, clic! Pour mon fantasme à moi, nous zizaguerons jusqu'à l'auteur de « Ma vitre est un jardin de givre ». Douce, la mère de moins en moins amère, saisira furtivement la pénible marche du Yéti (vidéo en bas) se rendant toucher la stèle de la famille Nelligan.
« Assez les croque-morts, j'avalerais bien un croque-monsieur. »
Troisième mouvement: saltarelle
Le chalet du Lac des Castors est confortable, bonne bouffe ou son propre lunch, et patinoire extérieure RÉFRIGÉRÉE, en plus de l'anneau sur glace nature selon la température. Sécuritaire pour toute marmaille. Pour moi, c'est une première... J'ai patiné durant une heure sous mon parapluie! La pluie, le vent, la neige, le verglas, la grêle font le bonheur des Elfes du Mont-Royal. Il suffit de s'y rendre. Vous pourriez croiser Findis, fille de Finwë et Indis, Elessar, pierre elfique, Lalwende, jeune femme rieuse, Siriondil, ami du fleuve Sirion
ou tout Eärendur, serviteur de la mer.
Vivre une journée avec des enfants en vacances, c'est se conter une histoire.
Y aura-t-il une suite? Synagogue, Mosquée, Temple de Krishna « du boul. Pie-IX », la pyramide de St-Germain à Drummondville... La culture n'a pas de frontière, sa limite étant l'imagination de l'homme inquiet.
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Pour écouter Claude Léveillé chanter « Soir d'hiver » (Extrait de 242 Ko)