samedi, novembre 14, 2009

Il était une fois, une foi...


La Révolution tranquille n'avait pas encore de nom. Mais elle était déjà tout entière dans les coeurs et les esprits, écoeurés du profond retard économique, social et intellectuel du pays.

C'était le temps des ayatollahs. Le pouvoir de l'Église s'exerçait partout. Films charcutés, livres interdits - un bon nombre devaient d'ailleurs porter les mentions
imprimatur et nihil obstat, traductions ecclésiastiques de « O.K.».Un coup de fil du cardinal Léger bloquait une ent
revue de Simone de Beauvoir à la télévision de Radio-Canada. Jean-Louis Gagnon a raconté comment le cardinal Villeneuve, de Québec, avait fait remercier un rédacteur en chef du Soleil parce que sa fille avait épousé un protestant (fils de l'évêque anglican de la ville, faut-il préciser).

Et c'est l'école qui était le premier champ de bataille. Pas d'acte de baptême, pas d'école. Elle avait pour fonction première de protéger l'Église, son contrôle des esprits et son pouvoir temporel, et de perpétuer un conservatisme réactionnaire dans une province en marge du reste de l'Occident.

L'état civil se trouvait dans les sacristies; on ne pouvait se marier qu'à l'Église (avec un billet de confession - riez, riez!). On était enterré de même. L'intégrisme nous accompagnait des fonts baptismaux au cercueil.

Les fêtes civiles, les rites familiaux, les relations entre employeurs et employés, l'organisation sociale, les attitudes devant les arts, l'argent, le corps, le bonheur, l'éthique, même le vocabulaire, tout était moulé sur le canon religieux. Et surveillé par l'Église; pas un organisme qui n'ait son aumônier, même une équipe de softball. L'explication du monde était religieuse. Notre histoire, notre existence même, était un «miracle» et supposait par conséquent une mission divine.

Citons Félix Leclerc, qui n'était pourtant pas un mécréant: «On était dociles, fidèles, respectueux. [...] On abusait des superstitions, des saints, de l'enfer et du purgatoire. C'était épouvantable.» Épouvantable et, pour beaucoup de

penseurs, mortel... Là où un Hubert Aquin voyait une « fatigue culturelle du Canada français», Pierre Vadeboncoeur constatait une «infirmité ». Son essai La ligne du risque, publié trois ans après la fondation du Mouvement

laïque de langue française (MLF), offre les 50 pages les plus dures et les plus violentes - une violence tranquille - de la littérature québécoise: il dénonce «le

règne de la corruption intellectuelle, […] un conformisme des idées et de l'esprit tel qu'il n'y en a probablement pas d'exemple équivalent dans les sociétés occidentales. [...] D'autre part, une licence à peu près illimitée dans les comportements pratiques et quotidiens.» Pour lui, la culture canadienne-française est « une culture dans une condition mortelle (…) d'un traditionalisme absolument insupportable ». L'unanimité factice de « ce peuple de tout repos » est une impasse culturelle.

(À lire... encore trois pages d'observations taillées au scalpel... (L'article n'est pas disponible gratuitement en ligne))


S'il reste un exemplaire de ce numéro de L'ACTUALITÉ chez votre vendeur de journaux... Et il y a bien autres choses.

n.b. On clique sur les images!



2 Commentaires:

Jean Trudeau a ?crit...

L'article de Jean Paré est maintenant en ligne + un commentaire de Jean-Pierre Proulx : ils ont tous deux une vision bien différente de la laïcité.

Belle époque quand même que celle des 'ayatollahs' québécois... Une époque qui a généré des René Lévesque, Jean Drapeau, Pierre-Elliott Trudeau, Camille Laurin et des dizaines d'autres de même calibre! J'allais oublier : une époque qui a aussi produit des Jean Paré et des Jacques Ducharme...

Quidam duFleuve a ?crit...

Quel comment me taire.