mercredi, mai 26, 2010

Échapper un retentissant : TABARNACQUE !

C’est pas parce qu’on comprend pas, c’est parce qu’on comprend trop! par Jean-Claude Germain ( en photo ), historien et écrivain

Allocution prononcée à la Bibliothèque nationale le 21 mai 2010  lors du Colloque Égalité et Laïcité

La société québécoise est une société laïque de fait depuis un bon moment déjà. Sauf qu’au Québec, on est spécial. Fidèle à sa devise secrète : La charrue avant les bœufs ! on l’a laïcisé fret, net, sec, avant d’en établir le protocole. Ce qui ne veut pas dire qu’elle est moins laïque pour autant.

La laïcité est née d’un mouvement concerté, bien sûr. Mais c’est une réaction viscérale qui l’a imposée. Elle s’est incarnée d’abord dans l’adverbe qui a lancé toute la Révolution tranquille : Désormais ! Autrement dit : Assez, c’est assez ! Désormais, le passé est passé date.

Quand la laïcité contemporaine s’oppose à la présence de la religion dans l’espace public, ce n’est pas sous le coup d’une quelconque intolérance mais avec l’assurance tranquille d’une excellente mémoire. Ce n’est pas tant qu’on saisit mal la différence de l’autre, mais plutôt qu’on saisit trop son inquiétante parenté avec un passé récent.

Mais avant d’évoquer nos antécédents, jetons un œil vers le futur. Dans cinq ou six cents ans –peut-être mille – on peut facilement imaginer un astronaute qui en réintégrant son astronef s’accrocherait dans le seuil de porte, piquerait une tête par en avant et à l’instant où son scaphandre s’écraserait contre la paroi du vaisseau spatial, laisserait échapper un retentissant : TABARNACQUE !

C’est tout ce qui restera de nous. Lui, l’astronaute, n’aura aucune idée de ce que ça veut dire, mais nous on l’aurait su. Pis encore là, c’est pas sûr, parce que j’ignore si vous l’avez remarqué, mais les jeunes n’ont plus aucune idée de ce qu’ils disent lorsqu’ils sacrent.

Le sacre est devenu culturel, alors qu’à l’origine, il était cultuel. C’est pour ça qu’il serait temps de donner des cours de sacres dès le primaire. On ferait d’une pierre deux coups ! Ça serait également une initiation à la version québécoise du sentiment religieux qui a toujours été plutôt pragmatique.

Parce qu’encore là être québécois, c’est spécial. Tous les pays sacrent, mais la plupart s’en prennent au grand boss, à Dieu lui-même (Sacredieu ! Sacrebleu ! Tudieu ! Morbleu ! Vingdieu ! Torrieu !) ou à la Sainte Vierge – particulièrement en Espagne où elle passe un mauvais quart d’heure.

Dans toute l’histoire de la sacrure, les Québécois sont les seuls à s’en prendre au mobilier de l’Église (... suite>>> )

1 Commentaire:

Quidam duFleuve a ?crit...

J'étais de cette soirée. Aréopage à dominance féminine. Forum d'idées. Regroupement d'intellectuels soucieux d'avenir pacifique. La laïcité? Solution du bien vivre ensemble.

Flo, Edd, et moi avons eu plaisir d'écouter plusieurs immigrants articulés sur "le problème" islamique. Comme ici et ailleurs, les silencieux ne se font pas assez entendre... Très sympa, ces "importés".