mardi, février 27, 2007

Le monde selon OR YUP'IK.


Oh! mon Dieu! 28 états des Étas-Unis ont à leurs programmes pédagogiques, l'enseignement de l'idéologie du créationnisme. La création de l'univers s'est fait entièrement par un Dieu-créateur, il y a 6 000 ans. Les os des sauriens anciens et autres 'bébelles' du genre ont été déposés, comme trouvés, par ce Dieu pour éprouver la foi des hommes. De quoi faire rougir le grand Mandrake. Le Québec n'en est pas exempté!

Il est de sens commun de pouvoir discuter avec nos enfants de l'évolution du vivant. Et on n'oubliera pas de leur parler un peu d'un Anglais ayant enduré son paquet de discrédits en échafaudant une théorie, appelé aujourd'hui, le « darwinisme ».

Noël m'apportait un beau cadeau: Corbeaux. Un livre d'ornithologie sérieux sur les corvidés, les plus malins des oiseaux. La saskatchewanaise Candace Savage me captive en époussetant ma position trop assise sur l'évolutionnisme... Je voudrais en partager une longue page. J'ai souligné des phrases-ancres. La conclusion m'est drôlement intéressante dans ma cervelle d'oiseau!

Depuis cette lecture, j'ai mis à jour mes contes pour enfants et pour plus grands.

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CORBEAU CRÉE LE PREMIER HUMAIN

D'APRÈS « THE WORDS OF AN UNALIT, OR YUP'IK », CONTEUR DE LA CÔTE DE L'ALASKA (RÉCITS CONSIGNÉS DANS LES ANNÉES 1890)

C'était au temps [disaient les anciens] où il n'y avait pas d'êtres humains sur terre. Pendant quatre jours, le premier homme est resté couché en chien de fusil dans la cosse d'un pois de mer (L. maritimus). Le cinquième jour, il a étendu ses pieds et fait éclater la cosse, tombant sur le sol où il s'est levé, homme adulte. Regardant autour de lui, [ ... ] il a vu approcher, dans un mouvement de balancement, un objet sombre qui a fait halte juste devant lui. [ ... ] C'était un corbeau qui, d'une aile, a aussitôt remonté son bec, comme un masque, sur le sommet de sa tête et s'est changé en homme. [ ... ]

Enfin il a dit: « Qu'êtes-vous donc? Quand êtes-vous venu ? Je n'ai jamais rien vu de semblable à vous. »

À cela, l'homme a répondu: « Je viens de la cosse de pois. » Et il a montré la plante d'où il était venu.

« Ah! s'est exclamé Corbeau. C'est moi qui ai créé cette vigne, mais j'ignorais qu'il en sortirait un jour quelque chose comme toi. »

... ooo 000 ooo ....

(...)
Grâce aux nombreuses découvertes rendues possibles par l'étude de fossiles de plus en plus nombreux et à des avancées dans le domaine de l'analyse génétique, les taxinomistes ont récemment commencé à mettre l'accent non pas sur la parenté des deux groupes Aves (oiseaux) et Mammilia (mammifères), mais bien sur leur différence. À titre de seuls membres survivants de la lignée synapside, les mammifères appartiennent à une classe à part, mais les oiseaux sont maintenant considérés comme un sous-groupe des reptiles. La classe Aves, dans le clade, ou la lignée, des Reptilia. Or, s'il est vrai que les oiseaux -- et parmi eux les corbeaux -- ne sont nie d'autre que des lézards améliorés, par quel miracle aurions-nous quoi que ce soit en commun avec eux ? Peut-être ce lien dont nous sentons qu'il nous unit aux corbeaux et aux corneilles est-il le fruit de notre imagination, l'expression de notre profonde soif de nous découvrir une compagnie intelligente.

Mais n'oublions pas que la vie, comme le Corbeau mythique, a plus d'un tour dans son sac et n'entend pas se laisser freiner par quelques invraisemblances. Si l'évolution peut, à partir d'une unique forme de vie ancestrale, suivre différentes directions pour donner des résultats extrêmement éloignés les uns des autres, il est possible que ces créatures si différentes se mettent à converger peu à peu, ou qu'elles commencent à présenter des ressemblances. La capacité de voler, par exemple, est apparue au moins trois fois, à partir de trois points de départ distincts, chez les insectes, les reptiles et les mammifères. Si les abeilles, les oiseaux et les chauves-souris volent aujourd'hui, c'est parce que leurs ancêtres se sont, indépendamment les uns des autres, adaptés aux avantages et aux défis que présentait la conquête des airs. La vie est infiniment transmutable, et il n'y a rien de plus normal et ordinaire pour des organismes appartenant à des branches distinctes de l'arbre de l'évolution que de se rapprocher les uns des autres et d'acquérir des caractéristiques semblables. Cette convergence de l'évolution explique-t-elle le lien qui nous unit aux corbeaux? Si c'est bien le cas, dans quelle mesure nous ressemblons-nous? Et pourquoi une chose si improbable se serait-elle produite ?

L'UNIVERSITÉ CORBEAU
L'habileté à confectionner et à utiliser des outils a longtemps été perçue comme la caractéristique distinctive de l'intelligence et considérée comme le propre des êtres humains. (« Les premiers indices laissant entendre que nos ancêtres faisaient figure d'exception parmi les animaux, écrit le physiologiste Jared M. Diamond dans son ouvrage Tbe Rise and Fall of tbe Tbird Cbimpanzee, furent nos outils de pierre très grossiers, qui ont commencé à apparaitre en Afrique il y a de cela environ deux millions et demi d'années. ») On ne saurait nier que le recours aux outils est un exploit rare et remarquable dans le monde des vivants. Par exemple, des 8 600 espèces d'oiseaux de la planète, seule une centaine compte des individus qui laissent tomber des coquillages sur le pavé, frappent leur proie contre un mur ou font quelque geste que l'on pourrait qualifier de vaguement technologique. Si l'on réduit la portée de ce qui précède pour ne considérer que le « véritable usage d'outils » -- c'est-à-dire la manipulation d'objets par la patte ou le bec dans le but d'accomplir une tâche -- ce nombre chute de plus de la moitié. La liste d'oiseaux répondant à cette définition n'inclut plus que des rara avis, tels le vautour percnoptère, qui utilise parfois des cailloux pour briser la coquille des oeufs d'autruche, et diverses espèces de pinsons, à qui il arrive de sonder les anfractuosités à l'aide de brindilles. Le seul nom qui apparaisse plusieurs fois sur cette liste d'oiseaux utilisateurs d'outils est Corvus. En Oklahoma, un témoin rapporte notamment avoir vu une corneille d'Amérique arracher un éclat de bois à un piquet de clôture, le tenir sous ses pattes et en becqueter l'extrémité pour l'aiguiser. L'oiseau a ensuite plongé l'outil dans une cavité étroite où était tapie une araignée. En Scandinavie, on a vu des corneilles noires remonter les fils utilisés pour la pêche sous la glace, serrant le fil emmêlé dans leurs pattes tandis qu'elles rajustaient la prise de leur bec, puis s'envoler avec le poisson qu'elles avaient décroché de l'hameçon. Et dans la ville de Sendai, au japon, des membres de la même espèce ont appris à se servir des automobiles comme de casse-noisettes. Les corneilles se perchent à des intersections régies par des feux de circulation et, quand les voitures s'arrêtent au rouge, elles descendent d'un coup d'aile et viennent déposer les noix sous les roues des véhicules. Quand les voitures sont passées, les oiseaux redescendent pour picorer ou, si les coquilles sont toujours intactes, pour repositionner les noix en vue d'un autre essai.

Le corbeau calédonien est toutefois plus impressionnant encore; exception faite de l'homme, il s'agit de l'une des deux seules espèces - la seconde serait le chimpanzé - où tous les individus de toutes les populations produisent et utilisent régulièrement une technologie simple. (Au nombre des animaux capables de fabriquer des outils, on compte aussi l'orang-outan, les éléphants d'Afrique et d'Asie et le pinson pic des Galapagos, mais, chez ces espèces, seuls certains groupes établis dans des zones géographiques précises font usage d'outils.) Les corbeaux calédoniens sont aussi des fabricants d'instruments exceptionnellement polyvalents puisqu'ils produisent non pas un mais de multiples types d'outils. En plus d'utiliser les brindilles -- avec et sans crochet -- pour sonder, ils confectionnent aussi des outils « en escalier » à partir des feuilles rigides du pandanus. Se servant de leur bec pour tour à tour trancher et déchirer, les oiseaux taillent des formes qui ressemblent à une moitié d'arbre de Noël comme on en voit dans les dessins d'enfants. Un des côtés est laissé tout droit tandis que l'autre est découpé pour former une pointe à une extrémité, puis s'élargit en dents de scie. Cette forme combine une tête fine, pratique pour sonder, à une base plus large, stable et facile à manipuler. Finalement, l'oiseau s'assure que les ardillons naturels que présente le flanc lisse de la feuille-outil pointent vers le bas, de manière à pouvoir les employer comme les dents d'un râteau afin d'extirper les insectes des anfractuosités.

Comment de simples oiseaux arrivent-ils à créer des instruments si complexes ? Les corbeaux sont-ils des robots dépourvus de cervelle, programmés par leur ADN, ou sont-ils aussi intelligents qu'ils le paraissent ? Peut-être s'agit-il à la fois d'une réelle intelligence et de facteurs génétiques, le mariage d'un talent inné pour la fabrication d'outils et d'un penchant pour la conception et l'invention. Personne ne saurait le dire avec certitude. Mais les chercheurs ont découvert que, toutes proportions gardées, les corbeaux figurent parmi les organismes qui possèdent le cerveau le plus imposant sur terre: ils surclassent non seulement les autres oiseaux (exception faite, peut-être, des perroquets), mais aussi la plupart des mammifères. En fait, le ratio cerveau/corps d'un corbeau moyen est analogue à celui d'un chimpanzé, et guère différent de celui de l'être humain. Comme nous, qui possédons un volumineux lobe préfrontal, où se situerait le siège de notre intelligence, les corbeaux ont aussi un cerveau antérieur exceptionnellement important, qui sert peut-être une semblable fonction. Se pourrait-il que les défis qui ont poussé nos ancêtres à amasser ces petites cellules grises au fil de l'évolution aient aussi amené les aïeux corbeaux à cesser d'être des cervelles d'oiseaux?

À l'Université d'Oxford, en Angleterre, une équipe de scientifiques dirigée par le zoologiste Alex Kacelnik a récemment commencé à étudier ces questions controversées. Dans un premier temps, les chercheurs ont installé une colonie captive de corbeaux calédoniens dans leur laboratoire et ont conçu des expériences pour évaluer la compréhension qu'ont les oiseaux des principes fondamentaux de la physique. À ce jour, la vedette de ce projet est Betty, une jeune femelle attrapée dans les forêts de l'île de Grande Terre, en Nouvelle-Calédonie, au mois de mars 2000. Une fois installée dans ses nouveaux quartiers, une pièce flanquée d'une vaste volière extérieure qu'elle partageait avec un autre corbeau, baptisé Abel -- un mâle d'âge inconnu acquis d'un zoo de Nouvelle-Guinée --, Betty a rapidement entrepris de montrer au monde de quoi elle était capable.

Au cours d'une série d'expériences, on lui a présenté un défi qui consistait à obtenir de la nourriture -- un coeur de porc, son mets préféré -- en plongeant un bâton dans un petit trou ménagé au sommet d'un tube. La solution consistait à insérer le bâton dans le trou et à s'en servir pour pousser un récipient à l'intérieur du tube jusqu'à un coude orienté vers le bas. Le récipient tombait alors sur la table, et la nourriture s'y déversait. On lui offrait plusieurs instruments de différents diamètres, dont certains étaient trop gros pour l'ouverture, mais Betty choisissait toujours le plus petit -- et ce même quand ses vilains gardiens dissimulaient son outil préféré au milieu d'un bouquet de brindilles, pour le simple plaisir de compliquer les choses. Pas une fois l'outil choisi ne s'est révélé trop gros pour l'ouverture. Et quand on lui fournissait un rameau de chêne et qu'on lui permettait de fabriquer elle-même un outil, elle produisait presque immanquablement un instrument de la taille appropriée pour mener à bien sa tâche. Lorsque l'ouverture dans le tube était plus large, elle taillait une grosse brindille; lorsque le col était plus étroit, elle continuait à sculpter.

À la faveur d'une autre expérience, Betty et Abel ont prouvé tous les deux qu'ils comprenaient la notion de longueur. Si on leur offrait une sélection d'outils dont certains étaient trop courts pour atteindre leur cible, ils se saisissaient habituellement d'une brindille suffisamment longue pour arriver à leurs fins. En vingt essais, Betty ne s'est trompée que cinq fois, tandis qu'Abel a obtenu un taux de succès, fort impressionnant, de quatre-vingt-quinze pour cent. Mais ce sont les corbeaux eux-mêmes qui ont imaginé l'expérience la plus saisissante. On avait disposé de la nourriture dans un petit seau au fond d'un tube transparent, d'où le récipient ne pouvait être extrait que si l'oiseau s'emparait de l'anse dont il était muni à l'aide d'un outil.

On a fourni aux oiseaux une série de fils de fer, dont quelques-uns étaient droits (donc, selon toute vraisemblance, inutilisables) et quelques-uns recourbés (parfaitement adaptés à la tâche à accomplir), et les chercheurs ont observé la réaction des oiseaux. Aux premiers essais, tout s'est passé comme prévu . Les corbeaux ont évalué la situation et arrêté la marche à suivre. Mais, à la cinquième tentative, Abel a introduit une variation inattendue en s'emparant du seul outil muni d'un crochet et en s'envolant avec lui, ne laissant à Betty qu'un fil de fer droit.

Même si on lui avait souvent fourni des outils de fil de fer, Betty n'en avait jamais fabriqué elle-même, pas plus qu'elle n'avait assisté à leur confection. Elle a volé jusqu'au tube et a tenté d'atteindre la nourriture par différents angles. Puis, en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, elle a saisi le fil de fer, en a coincé une extrémité sous un morceau de ruban gommé à la base de l'appareil et, tirant à l'aide de son bec et de tout son corps, l'a recourbé pour en faire un crochet. Elle a plongé illico l'outil dans le tube, a réussi à accrocher l'anse du seau, et voilà!, madame était servie. Une fois remis de leur surprise, les chercheurs ont mené une série d'essais où Betty devait répéter son exploit et, bien qu'elle n'ait pas systématiquement produit des crochets parfaitement arrondis, elle a réussi à tous les coups à courber le fil de fer pour ramener la nourriture. Le grand corbeau lui-même n'aurait pu mieux faire. Aucun autre animal -- pas même un chimpanzé -- n'a jamais spontanément résolu un problème de la sorte. Leur habileté à fabriquer des outils place les corbeaux dans une classe à part, la nôtre.

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