mardi, septembre 04, 2007

Bulletins chiffrés! De quoi je me mêle?





Quelque part au Québec avant le 26 mars :
Qu’est-ce qui vous achale en éducation?
Les bulletins… on comprend rien. On sait pas si y é bon ou pas bon!
On veut des bulletins avec des chiffres.
Des bulletins chiffrés? Oui! - Votez pour nous et et vous les aurez.

Et le premier ministre en personne, avec la ministre de l’éducation en décret, par-dessus les instances pédagogiques les plus chevronnées, annoncent qu’en septembre, toutes les écoles de la province auront le même bulletin « chiffré » comme dans l’temps.

Dans mon école du rang St-Alexandre on avait un diplôme après la septième année. Le diplôme affichait la mention « Succès » - « Distinction » « Grande distinction » « Très grande distinction » ou « Excellence » comme pour le baccalauréat è-arts.
Ces mentions servaient de cibles à la chasse aux vocations. Pour les filles, je ne sais à quoi ça servait.

À ce que je me souvienne, il n’y avait pas de bulletins scolaires durant les sept années du cours élémentaire. On passait à la tête ou à la queue lors de la récitation quotidienne des leçons. Le premier ou la première de chaque division recevait le prix d'excellence à la fin de l'année, le 24 juin, devant les commissaires et... le curé. En 8ième année, j’étais ou à la tête ou à la queue, on était deux dans cette division… Et comme l’autre était une fille, j’occupais plus souvent la queue que la tête.

Les dictées étaient corrigées sur place. Les fautes étaient comptées, mais je ne sais où allaient les points. Trop de fautes signifiait souvent des coups de règles sur les doigts.
Il fallait savoir par cœur ses tables d’addition et de multiplication, les dates de l’histoire sainte et de l’histoire du Canada, les capitales des provinces et des pays d’Europe et surtout les 508 réponses du catéchisme et ses prières, dont le « De profundis » en latin.

Si on ne le savait pas, il fallait l’apprendre à la maison et rester après la classe pour réciter la leçon manquée. Je revois les pénibles séances de récitation du De profundis auxquelles ma mère s’est astreinte plus d’une fois avant le départ pour l’école.
À la fin de l’année la maîtresse décidait si on montait de division ou pas. De toute façon on restait dans la même classe, celle du bas pendant quatre ans et dans celle du haut (les grands) pendant les trois ou quatre années suivantes. J’ai dû passer de la 2e A à la 2eB parce que, aux dires de l’inspecteur, j’étais trop jeune pour monter en troisième. Mon oncle, celui qui est Frère du Sacré-Cœur et qui aura 90 ans bientôt, est resté trois ans en septième année parce que à son école il n’y avait ni 8ième ni 9ième années. C’était l’apprentissage par immersion.

Devenu professeur à l’élémentaire, et aussi au secondaire, j’ai dû à tous les mois remplir un bulletin chiffré pour toutes les matières au programme.
Le bulletin devait être signé par les parents et, deux fois par année, il était remis en mains propres aux parents par l'instituteur. Sur ce bulletin on devait indiquer et le pourcentage et le rang. Et l’on devait compiler les résultats et des examens et des travaux quotidiens. C’était surtout la performance de l’élève face à son groupe qui était évaluée.
La création du Ministère de l’éducation en 1964 a mis du sérieux dans la formation pédagogique des enseignants. Faculté universitaire, la pédagogie s’est considérablement développée grâce à d’importantes recherches. Les nouveaux programmes de formation élémentaire et secondaire ont mis de l’avant un enseignement par objectifs. C’est par étapes bien définies et selon des méthodes plus précises que l’on accédait à la connaissance et à l’apprentissage des outils intellectuels. Ces méthodes ont généré des mesures d’évaluation appropriées que l’on doit codifier sur un bulletin complètement remanié.

À chaque période de l’année scolaire, il y en a 7, le professeur cote le progrès accompli par l’élève devant les objectifs de chaque discipline. Les chiffres 1-2-3-4 donnent la mesure de ce progrès – 1- Progresse facilement, 2- progresse bien … Le bilan de l’année est aussi coté sur quatre marches mais cette fois par la lettre R – R+ - RP et NR.


Au lieu de dresser un podium comme aux olympiques, le bulletin en vigueur ces dernières années, (cf l’exemple ci-joint,) ne fait pas le comput global des résultats obtenus par l’élève à des examens composés au pifomètre par le professeur et parfois par le Ministère. Ce bulletin ne compare pas les élèves entre eux, mais indique le progrès de chaque élève dans l’apprentissage des disciplines au programme.

Que des parents qui rêvent podium pour leur enfant soient dépaysés il n’y a là rien de surprenant. Mais que le système soit mauvais parce qu’on ne le comprend pas c’est un jugement primaire bizarre d'un politicien à moins que le flair électoral n’abolisse sa raison.

Il y a certes des retouches à faire surtout dans les libellés d’évaluation figurant au bulletin. Il revient aux spécialiste de corriger le tir non aux politiciens.

Ce bref rappel historique montre à quel point la récente l’intervention du gouvernement du Québec dans la gouverne de la pédagogie est démagogique, grossière et déplacée.
Autrefois en campagne électorale les candidats achetaient parfois des votes avec de l’asphalte ou du whisky. Aujourd’hui ils les achètent, au mépris des professionnels de l’enseignement, en dorlotant les résistance naturelles aux changements et en promettant ce qu’ils n’ont pas la compétence de donner. Les lynchages sur la place publique répondaient autrefois à la même dynamique.

Que l’État s’active à assurer et à promettre les meilleures conditions d’opération des écoles, de participations des parents aux apprentissages de leurs enfants, c’est son rôle. Qu’il aille fourrer son nez dans la pédagogie ou l’administration concrète d’une école c’est une aberration. Va-t-il dire aux chirurgiens comment tenir leur scalpel ou cadrer les reportages d’un journaliste, en déterminer la forme et la teneur?
Quant à y être, qu’on imprime des petits catéchismes jaunes ou rouges et qu’on remplace les profs par des répétiteurs et qu’on fasse l’évaluation par ordinateurs chronométrés qui gèrent les récompenses ou le nombre de coups de règles sur les doigts, mérités par des élèves-robots lorsqu,ils qui franchiront ou manqueront la ligne des 60% requis. Ce sera moins coûteux et tout le monde comprendra.

L’
évaluation est très liée à la pédagogie. Il appartient aux pédagogues en concertation avec les parents d’en définir les termes et les formes, pas au gouvernement d’un état, d’une ville ou d’une province. Pas même et surtout pas en campagne électorale. De quoi je me mêle?

Florian

3 Commentaires:

Quidam duFleuve a ?crit...

Ha! Ha! Ha!
A touché le fond mais creuse encore.

Jean de Ma Fontaine m'a appris, PAR COEUR (torture en 2007), "bêchez, creusez, piquez, trimez, suez, c'est le fond qui manque le moins.

L'enfant-roi m'urticaire. La pommade sur la vie me brule. Les piscines clôturées, cloitrées... Le pont Jac-Cartier en interdits... À quand la Frost-Gate le long de mon fleuve?

Je termine un petit deux-heures de vélo. Boff. Me note à 2,3/5. Le vent, la douceur de vivre, le je-pédale-en-béat, la peur de l'hiver,

Hier, à St-Jérôme >> Prévost, sur la piste P'tit-train-du-Nord, je roulais du 30 poussif et des piqués à 38 km/h. 4,8/5. J'ai quand même de la modestie. Les chiffres me jaugent. Au sphygmomanomètre aussi. Le calendrier aussi. Ma montre chiffre. Télémédia dit ce qu'il va tomber sur les cours d'école...

Sans les chiffres et les nombres et les évaluations objectives, on avale le créationisme comme notre distingué Charles Taylor de sa co-commission...

On n'a plus les "Bouchard" qu'on avait!

Fratricide...

Jean Trudeau a ?crit...

Dans cette saga des bulletins devenue par trop politique, les pédagogues récoltent ce qu'ils ont semé. D'abord en ne réussissant pas à faire entre eux une certaine unanimité face aux bulletins; aussi en ne faisant pas suffisamment de 'lobbying' pour éclairer nos hommes et nos femmes politiques. Mais surtout en ne défendant pas ou en défendant mal leur profession sur la place publique, n'ayant qu'un syndicat comme porte-parole officiel, ce qui fait qu'ils sont perçus par la population plutôt comme des 'travailleurs' que comme des professionnels pédagogues. Des travailleurs, ça doit faire ce que les bosses leur demandent de faire, non?

Mais là, j'me mêle...

Florian Jutras a ?crit...

Boonjour Jean
Tu as probablement raison. Mais n'est-ce pas en portant devant les parents et la population l'odieux de leur zigonnage qu'ils (les profs) vont apprendre à prendre leurs responsabilités. Et les élus en faisant bêtement les 4 volontés de l'électorat tombent dans le même panneau. Ils paraissent des girouettes plutôt que des chefs d'état. Qui peut corriger cette dégringolade de responsabiltiés? Ceux qui s'en mêlent, les écrivailleux comme toi et moi... vive le blogue.
Florian