jeudi, avril 30, 2009

Récits de voyage - - - Quatre

Fait suite à l'introduction...

L'arpenteur de l'oikoumenê (0) HÉRODOTE (484-425 av. J.-c.),

L'Enquête

Hérodote, né vers 480 av. J.-C à Halicarnasse (colonie grecque d'Asie Mineure, aujourd'hui Bodrum en Turquie) et mort à Thourioi vers 425 av. J.-C (colonie grecque en Italie), est l'auteur d'une œuvre monumentale à laquelle la tradition donna pour titre le terme Historiè, figurant dans l'incipit et longtemps traduit par « Histoires» en français. « Père de l'Histoire », selon la formule de Cicéron (106-43 av. J.-C), Hérodote fait le récit des guerres médiques qui, entre 490 et 479 av. J.-C, opposèrent Grecs et Perses.

Mais à la suite d'Hécatée de Milet, auteur au Vie siècle d'une Périégèse ( Tour de la Terre ), il est aussi l'un des pères de la géographie et de l'ethnographie. En effet, dans les quatre premiers livres de l'œuvre, l'histoire de l'expansion de l'Empire perse est l'occasion d'une description des régions soumises par les Perses (l'Égypte, par exemple) ou de celles qui leur échappent (comme la Scythie). Au projet historiographique s'ajoute le dessein de délimiter jusqu'à ses confins l'oikoumenê, l'ensemble du monde habité, et de décrire les mœurs des hommes qui le peuplent.

Or, Hérodote tire une grande part de son information d'immenses voyages qu'il fit lui-même (voir carte de ce temps...)

(...) on naviguera pendant douze jours et l'on atteindra une ville importante qui s'appelle Méroé. C'est, dit-on, la capitale des autres Éthiopiens. [ ... ]

Au-delà de cette ville, il faudra, pour arriver chez les Transfuges (1), le même temps de navigation que pour venir d'Éléphantine à la capitale des Éthiopiens. [ ... ]

Le Nil nous est donc connu sur quatre mois de navigation ou de marche (outre la partie de son cours qui se trouve en Égypte): c'est le temps qu'il faut au total pour aller d'Éléphantine chez ces Transfuges. Le fleuve vient de l'ouest et du couchant. Au-delà, personne ne peut rien affirmer, car les chaleurs torrides font de ce pays un désert.

Cependant, voici ce que m'ont dit quelques Cyrénéens (2): ils étaient allés consulter l'oracle d'Ammon (3) et, au cours d'un entretien avec le roi .des Ammoniens, Étéarque, entre autres propos l'on en vint à dire, en parlant du Nil, que personne n'en connaissait les sources. Étéarque dit alors qu'il avait un jour reçu des Nasamons (ce sont des Libyens qui habitent la Syrte (4) et un peu du pays à l'est de la Syrte). En les recevant il leur avait demandé s'ils pouvaient lui fournir quelques renseignements nouveaux sur les déserts de la Libye; ils répondirent qu'il y avait eu, dans quelques grandes familles de leur pays, des jeunes gens téméraires qui, arrivés à l'âge d'homme, entre autres projets extravagants, avaient décidé de tirer au sort cinq d'entre eux qui s'en iraient explorer les déserts de la Libye et tenteraient d'en voir plus que les voyageurs qui étaient allés le plus loin. - Les côtes septentrionales (5) de la Libye, de l'Égypte au cap Soloéis (6) où elle se termine, sont entièrement peuplées de Libyens et de nombreuses tribus de la même race, à l'exception des possessions grecques et phéniciennes (7). L'intérieur du pays, au-delà des régions côtières habitées, appartient aux bêtes sauvages; plus loin, il n'y a plus que sable, sécheresse terrible et désert total. Donc les jeunes gens envoyés par leurs camarades, bien pourvus d'eau et de vivres, traversèrent d'abord les terres habitées; après quoi, ils parvinrent au domaine des bêtes sauvages et, de là, entrèrent dans le désert, en marchant toujours vers le vent d'ouest. Après bien des jours de marche à travers de vastes étendues de sable, ils virent une plaine où poussaient des arbres dont ils allèrent aussitôt cueillir les fruits: à ce moment survinrent de petits hommes, d'une taille en dessous de la moyenne, qui s'emparèrent d'eux et les emmenèrent. Les Nasamons ne comprenaient pas leur langue et eux ne comprenaient pas celle des Nasamons. On leur fit traverser de vastes marécages, après lesquels ils trouvèrent une ville où tout le monde avait la même taille que leurs ravisseurs,. et la peau noire. Près de cette ville passait un grand fleuve qui coulait d'ouest en est et dans lequel on voyait des crocodiles.

Je n'en dirai pas davantage sur ce récit de l'Ammonien Étéarque, sauf toutefois ceci: il disait, selon les Cyrénéens, que les Nasamons (*) étaient rentrés dans leur patrie, et que les gens du pays qu'ils avaient vus étaient tous sorciers.


Ooo - - -

RENVOIS. 0-L'arpenteur a pour fonction de mesurer les terres; oikoumenê est un terme grec qui désigne l'ensemble des terres habitées.1-Les Tr:~msfuges sont, selon Hérodote, des déserteurs égyptiens réfugiés en Ethiopie. 2- Habitants de Cyrène, colonie grecque installée dans l'actuelle Libye. 3-Ammon (forme grecque d'Amon) est l'une des principales diviinités du panthéon égyptien. 4-Ville de l'actuelle Libye. 5-Situées au nord. 6-Ancien nom du cap Cantin, sur la côte ouest du Maroc. 7-La Phénicie antique correspond à peu près au Liban actuel.

(*) du présent rapporteur: Nasamons. Peuplade de Libye qui occupait les rivages de la Grande Syrte selon Hérodote. Ils pratiquaient la polygamie et se nourrissaient de lait, de dattes et de sauterelles. Les formalités de l'amour étaient chez eux réduites à la plus simple expression : quand un Nasamon désirait une femme il lui suffisait de planter son bâton devant elle. (sic)


À suivre.

0 Commentaires: