La fin du monde est pour demain.
Vous n'avez pu lire je journal La Presse d'hier? L'éditorialiste Mario Roy s'éloigne souvent de l'actualité locale avec bonheur. L'information-opinion qu'il écrit s'appuie sur une vaste culture contemporaine. Facilement perceptible aussi l'observation qu'il fait du comportement de l'homme. Il n'est pas tendre avec son sujet d'analyse mais il l'aime.
Mario Roy La Presse 09/029/2008
Demain, un scientifique va mettre en route pour la première fois le Grand collisionneur d'hadrons (LHC) de Genève. Cet accélérateur de particules construit au coût de 9 milliards$CAN et dont la piste fait 27 kilomètres à 100 mètres sous terre, est destiné à recréer les conditions qui ont prévalu quelques infimes fractions de seconde après le Big Bang.
En une fraction de seconde également, selon certains, il pourrait accessoirement détruire l'univers!
Excusez du peu. Mais le fait est que plusieurs scientifiques américains et européens ont, pour cette raison, tenté au cours des derniers mois de faire interdire l'expérience. Le plus bruyant est le théoricien allemand du chaos (qui a déjà enseigné au Canada), Otto Rössler. Selon lui, les collisions à haute énergie de protons provoquées par l'accélérateur pourraient créer des mini-trous noirs dont on ne sait s'ils vont instantanément se dissoudre (comme le prévoit le physicien Stephen Hawking) ou prospérer L'Organisation européenne pour la recherche nucléaire, qui a financé et construit la machine, a produit un rapport de sécurité se moquant littéralement de cette thèse. Mais l'entourage de Rössler a pris la chose suffisamment au sérieux pour porter l'affaire devant la Cour européenne des droits de l'homme.
Il y a 10 jours, le tribunal de Strasbourg a rejeté la requête des sauveurs d'univers, en une sorte de jugement dernier.
Ce n'est pas d'hier que la science et la technologie font peur: certains hommes des cavernes ont dû être terrorisés par la première roue!
Mais c'est pire aujourd'hui.
D'abord, la science explore dorénavant des territoires - génétique, physique des particules, intelligence artificielle et nanotechnologie, notamment - dont la complexité et le caractère abstrait confondent le commun des mortels. Cela ouvre évidemment la porte à n'importe quelle frayeur insensée.
Ensuite, ces havres de sécurité que sont les sociétés développées sont devenus totalement allergiques aux risques, si minimes soient-ils. Dans le cas du LHC de Genève, les théoriciens vous diront que, d'un strict point de vue scientifique, la probabilité qu'il en sorte des soucoupes volantes ou des dragons mangeurs d'hommes n'est pas tout à fait égale à zéro! Alors, pourquoi courir ce risque?
Enfin, après avoir largement évacué la déraison religieuse, nos sociétés ont foncé tête baissée dans d'autres formes d'irrationnel auxquelles Hollywood et l'Internet, surtout, servent d'amplificateur. Le film Angels And Demons (inspiré par Dan Brown, auteur du Da Vinci Code), dont la sortie est prévue pour mai 2009, utilise le Grand collisionneur pour générer une catastrophe. Et nul besoin de dresser ici un catalogue des folies furieuses qu'on trouve sur le web.
Malgré cela, il reste encore des gens, des entreprises et des États pour se consacrer - et consacrer des ressources - à la recherche scientifique fondamentale. Cela tendrait à indiquer que la curiosité de la bête humaine demeure d'une telle puissance qu'elle transcende encore ses peurs.
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