vendredi, janvier 05, 2007

Voeux internationaux de Bonne Année 2007!

Permettez. Je ne suis pas seul. Nous serons un peu long. S'il vous reste un peu du temps des Fêtes, ouvrez ce texte comme si on vous offrait un petit cadeau de dernière minute, sans prétention mais combien vrai.
Ça me dégèle l'inspiration, quand je commence par une citation.

La vie est comme un instrument de musique; il faut la tendre et la relâcher, pour la rendre agréable. De Démophile, le grec.

Pourquoi ce mot? L'arrêt des Fêtes? Non. Plutôt parce que je veux vous laisser parler avec un grand Monsieur que nous avons connu tout petit (pas tant que ça, tout de même!) et qui s'africanise depuis plus de quarante ans. 40 et plus ! Y songez-vous... Rythme de vie qui me fait peur. Deux ans, non-stop, de Côte-d'Ivoire et un mois détendu au Québec (surtout en Abitibi, l'origine!), et il remet ça. Je modélise, j'incrémente: 2a + 1m = Y, l'homme heureux. Je l'ai vu cet été. Ça ne ment pas. Encore qu'il avait payé sa participation au méchoui mais a dû dévier de route, 24 heures avant; absence regrettée.

Le Yvon de 1958.

Maintenant Frère Yvon Blais, éducateur; l'Africain blanc, lutteur anti-sida.

Si Yvon m'envoie une photo récente (comme demandée...), je remplacerai celle-ci...

En quelques heures, j'ai fait parler Yvon, façon de parler! Bien loin de l'adolescent timide, du solide et muet gardien de but au hockey sous zéro, de ce qu'on pourrait en dessiner par nos souvenirs, Yvon ne fume pas, ne boit pas, mais il cause... Avide de ses faits de vie, faits de survie je devrais plutôt dire, j'écoute mon fin « placoteux ». Je désire qu'il se raconte, qu'il conte. Il s'exprimera avec talent!

Il amène moult sujets de récits d'aventure, d'essais sur l'homme, de valeurs morales défendues bec et ongles. Ce gars en mission affiche une croyance qui lui donne l'énergie de l'efficacité inscrite dans une interaction communautaire avec ses Frères du Sacré-coeur ou ses concitoyens ivoiriens. Un homme de cause n'entretient pas de doute. Yvon n'a aucun symptôme de paresthésie et encore moins d'attitudes sclérosantes. Dit simplement, Yvon aide et fait deux choses: pédagogue qui lui apporte sa table; combattant contre divers aspects du SIDA de couleurs africaines qui justifie davantage son implication personnelle, individuelle.

Si tous ses jours ne sont pas drames et angoisses, l'avoir suivi un temps, j'aurais eu des « bouncers » pour éviter de me faire intimider et tabasser, de me faire vandaliser mes biens, voler la voiture... J'aurais porté moi aussi une veste pare-balles. J'aurais filmé Yvon négociant avec des « contrôleurs » de grands chemins (Yvon a été un transporteur de devises servant à payer les professeurs de « son » collège qu'il dirigeait et à acheter la nourriture pour « son » pensionnat. Et ce, en plein conflit de « guerre civile ». Demandez-lui comment il cachait l'argent d'un mois de survivance...) En l'écoutant, j'avais l'étrange impression qu'il devait et qu'il doit encore se coucher en pensant que son miroir pourrait ne plus avoir à réfléchir à l'heure du rasage matinal...

Yvon, c'est qui? Yvon, c'est un parmi eux. Juste ça. --- Yvon, à toi la parole. Tu m'as tenu en haleine. Maintenant, tiens tes lecteurs éveillés!

Salut mon cher Jacques,

Beaucoup d'eau a coulé dans le fleuve depuis nos célèbres retrouvailles du 9 septembre dernier. Je suis reparti pour l'Afrique le 11 septembre sans avoir peur de voyager 5 ans après les attentats terroristes du 11 septembre 2001. Le 16 septembre, je déménageais pour la 7e fois en 5 ans. Je pense que c'est un record Guiness chez les frères. Ah! Ah! Ah! Ainsi va ma vie de déménagement en déménagement et de Bonheur en Bonheur. Tout ce "train train" de la vie ne m'empêche pas de vivre super heureux dans ce coin d'Afrique en crise depuis le 19 septembre 2002.

Mon nouveau coin est un collège catholique secondaire (L'hyper-lien est du transcripteur.) mixte de 14 classes avec un total de 700 élèves. J'enseigne la catéchèse dans 10 classes de secondaire 2, 3 et 4.Je suis heureux comme tout avec mes 517 élèves. J'ai un beau bureau avec une petite bibliothèque personnelle. C'est là que j'accueille à coeur de journée la jeunesse paumée d'Abengourou, ville de 200 000 habitants à l'Est de la Côte d'Ivoire près du Ghana. La crise politique actuelle depuis 2002 a engendré une grande détresse morale et spirituelle et même intellectuelle chez les jeunes qui ne voient plus d'avenir devant eux. On s'adonne à l'alcool, à la drogue, au sexe et au vol. Le taux de SIDA dépasse les 12% dans la ville. Je vis au coeur de cette jeunesse et je fais ce que je peux pour en remettre quelques-uns debout. J'ai déjà accueilli plus de 350 jeunes en trois mois et demi. Un travail fou est à faire. En janvier, je lancerai un club de "bonne vie" sur la ville. À Abidjan, il y avait plus de 18 000 jeunes dans ce club. Naturellement je ne dispose que de faibles moyens financiers. J'imprime beaucoup de choses pour la jeunesse en vue de leur bonne éducation morale, spirituelle et sentimentale. C'est le frère Denis Gervais, 2240 Fullum, Montréal, H2K 3N9. (tél.:514 597 2988) qui reçoit les dons de mes amis et bienfaiteurs. (Caractères gras et couleur sont du transcripteur.)

Merci de me faire parvenir les nouvelles sur "blog". Vue la lenteur de l'internet ici, il m'est difficile de télécharger des photos ou des documents lourds. L'internet étant assez dispendieux, je reste longtemps silencieux, comme tu peux le constater. Mais je lis avec grand intérêt tout ce qui s'écrit sur le "blog". Ne t'inquiète pas de mon silence dû à nos mauvaises finances.

Merci de penser toujours à moi qui suis paumé à l'autre bout du monde au milieu d'une jeunesse qui tape sans cesse à ma porte. J'aime beaucoup cette jeunesse pour lui avoir consacré toute ma vie active. Après 40 ans, je reste "peppé" et plein d'enthousiasme. Je suis un "pêcheurs d'âmes" et je pêche avec les courriels, les messages cellulaires, l'imprimerie de bulletins éducatifs, les rencontres individuelles de jeunes, les conférences, les chants à thèmes, etc... Je me sens une âme de missionnaire à la recherche des brebis égarées parmi les jeunes et les jeunes adultes. C'est là mon "terrain de pêche". Ma vie est extrêmement belle ici. Je dors fatigué tous les soirs. Et puis le lendemain, ça continue. Ma vie est un immense feu roulant au service de la jeunesse africaine.

Voilà Jacques le visage de ma vie depuis 1966. Dieu a mis un grand cadeau en moi: l'Amour des enfants des Noirs. Partout où je vis en Côte d'Ivoire, les jeunes m'adoptent comme leur "papi spirituel". Je suis "père spirituel" de milliers et de milliers de jeunes. En ce temps des fêtes, des centaines de coup de fil ou de messages cellulaires m'envahissent. En tout cas, je vis une aventure très très spéciale avec la jeunesse de C.I. Voilà un aspect caché de ma vie que je te montre dans ce courriel spécial. Si tu peux susciter la générosité de quelques bienfaiteurs, ce serait très chic de ta part car j'ai devant moi un travail colossal à faire avec des moyens financiers dérisoires. (Le soulignement est du transcripteur.)

Je salue tous les anciens de Chertsey, Rosemère, Granby et Montréal. Je te souhaite une année 2007 en "5 S" : Santé en or (pas en fer, ça rouille), Succès en tout ce que tu entreprendras, Sainteté de vie, Shalom (paix) avec ton entourage et Sourire 365 jours en 2007. Je te porte en prière. Je compte sur la tienne. Salue ton épouse de La Sarre.

Un ptit gars de l'Abitibi qui se débat comme un beau diable dans l'eau bénite dans une ville très atteinte par le SIDA,

(...)
(Ayant demandé à Yvon de reproduire sa lettre sur le blogue, avec son accord, il ajoute... )

J'oubliais de te dire que le 23 décembre dernier, je suis allé avec un élève, deux profs et un frère, donner des cadeaux de Noël aux 114 lépreux et ulcéreux de Buruli (plaie qui met plus de deux ans à guérir) à la léproserie d'Adzopé qui se trouve à 120 km d'ici. Ce sont nos 700 élèves et nos professeurs qui s'étaient cotisés pour offrir ces 114 cadeaux de Noël. Nous avions recueilli plus de 600 dollars en espèces que nous avons transformés en cadeaux. Si tu avais vu le beau sourire des enfants et des adultes lépreux ou ulcéreux, tu en aurais été émerveillé. Personne ne pense à eux et ils croupissent de souffrances et d'oubli dans leurs misérables chambres. Notre arrivée à la léproserie a été un baume dans leur vie. Et ce n'est pas tous les jours Noël pour ces malades. Hélas!

Dans trois jours, deux de nos jeunes frères africains feront leurs engagements définitifs (voeux perpétuels) à Abidjan. Ce sera une grande fête pour nous. Dans notre province africaine des frères du Sacré-Coeur en Afrique de l'Ouest (Mali, Burkina Faso, Togo et Côte d'Ivoire), nous sommes 52 frères dont 5 canadiens, 2 français et 45 africains. Je suis le dernier frère du Sacré-Coeur canadien en Côte d'Ivoire. Nous avons été déjà plus de 30 frères du Sacré-Coeur canadiens en Côte d'Ivoire. Dans tout l'Est de la Côte d'Ivoire, je suis le seul canadien. Je suis maintenant très très habitué de vivre avec des africains et de manger à l'africaine. Je suis perdu pour le Québec comme tu peux le constater. Ah! Ah! Ah! Je me suis fait africain avec les africains.

Je te laisse espérant rebondir un peu plus tard. Sache que c'est dans ma nature de rebondir au moment où tu t'y attends le moins. Comme tu peux le lire en filigrane dans mon courriel, il y a un monde fou autour de moi et les relations humaines sont des plus chaleureuses. Mon "bassin de pêche" est très étendu car actuellement je suis en train de "pêcher des jeunes étudiants" au Maroc. Avec des courriels et des SMS (messagerie cellulaire), je ramène sans cesse des "brebis égarées" moralement et spirituellement. Je suis devenu très très habile dans ce genre de "pêche". Beaucoup de mes anciens élèves me paient des cartes de téléphone ou rechargent mon téléphone cellulaire. J'ai 25 000 anciens élèves. J'enseigne maintenant la 3e génération. Ça ne me rajeunit pas comme tu vois. Mais je n'ai rien perdu de mon enthousiasme de jeunesse. La vie est faite pour être donnée et c'est en la donnant que fleurit le Bonheur (grand B) dans nos vies. Vouloir garder sa vie, ce serait la perdre. Si tu savais mon immense Bonheur, Jacques, tu en serais très étonné. Je n'ai rien financièrement et je tire le diable par la queue tous les jours et pourtant je suis follement heureux. Essaie d'y comprendre quelque chose. Tu sais, Jacques, la "queue du diable", on la connaît ici. Il y a tellement de sorcellerie et de coups bas en sorcellerie. La "queue du diable" se promène pas mal dans notre coin. Beaucoup de gens meurent autour de nous de façon mystérieuse. On dit:"C'est la sorcellerie".

Porte-toi bien, mon Jacques. C'est une grande joie pour moi de te retrouver sur le net.
C'était un 2e clin d'oeil d'amitié en ce 27 décembre 2006,

frère Yvon
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Les coordonnées d'Yvon sont:

frereyvon@yahoo.fr
Tel. Cell: 011 225 0729 6687
Collège Kirmann
B.P. 158 Abengourou,
Côte-d'Ivoire

(Un conseil que m'a déjà donné Yvon: ne jamais envoyer d'argent en espèce par courrier; ça ne se rend pas à destination...)

Si vous rencontrez à nouveau Yvon, vous serez porté à saluer un homme de cause, de lutte, de foi.

1 Commentaire:

Jean Trudeau a ?crit...

Mon cher Yvon, ton témoignage m'a complètement jeté par terre. Un tel engagement missionnaire en 2007, une telle fidélité à sa vocation et une telle longévité au service de la jeunesse d'Afrique, une telle ferveur, un tel don de soi à travers la paternité spirituelle qui est la tienne, un tel détachement 'des biens de la terre', une telle sérénité dans un milieu de vie à hauts risques, un tel abandon à la générosité des bienfaiteurs, une telle foi dans les jeunes Africains pourtant marqués par « une grande détresse morale et spirituelle et même intellectuelle, qui ne voient plus d'avenir devant eux », un tel bonheur transpirant au-delà des apparences...

Et dire que je ne peux absolument rien faire pour t'apporter un quelconque soutien sinon t'écrire béatement ces quelques mots admiratifs! 'Biendiseur' (bénédicteur?) faute d'avoir les moyens d'être bienfaiteur...

Non seulement ça, mais j'ai maintenant contracté une dette envers toi : ton message m'a ramené à mes propres engagements (bien modestes) et a renforcé ma motivation à y tenir même sans moyens et à contre-courant!

Je te souhaite une autre pêche miraculeuse en 2007 et je salue tes quarante ans « d'Amour des enfants des Noirs ». Bravo d'être devenu ce que tu es : la vie puisse-t-elle un jour te le rendre!

Merci, Jacques, de nous avoir transmis cette page de l'Évangile contemporaine.