samedi, mars 08, 2008

Je ne parlerai pas de la neige.

Après avoir changé de place beaucoup de neige venue, à mon tour de modifier mon parcours du jour. Pendant plus de cinq!!! heures de cet astreignant labeur, il me faut une magnifique image pour remplacer "mentalement" celle qui couvre actuellement le territoire national. Un hasard dirigé sur Internet m'apporte une heureuse saison: le vent, l'eau, l'amitié. Que de bons et beaux mots. Une dégustation... Tchin1 Tchin!

Voici à quelle occasion j(?)'écrivis ces vers:

Mes deux amis, MM. de Virieu, de Vignet, et moi, nous nous embarquâmes, un soir d'orage, dans un petit bateau de pêcheurs sur le lac du Bourget. La tempête nous prit et nous chassa au hasard des vagues à trois ou quatre lieues du point où nous nous étions embarqués. Après avoir été ballottés toute la nuit, les flots nous jetèrent entre les rochers d'une petite île à l'extrémité du lac. Le sommet de l'île était surmonté d'un vieux château flanqué de tours, et dont les jardins, échelonnés en terrasses unies les unes aux autres par de petits escaliers dans le roc, couvraient toute la surface de l'îlot. Ce château était habité par M. de Châtillon, vieux gentilhomme savoisien. Il nous offrit l'hospitalité; nous passâmes deux ou trois jours dans son manoir, entre ses livres et ses fleurs. M. de Châtillon menait, depuis quinze ou vingt ans, une vie d'ermite dans cette demeure. Il sentait son bonheur, et il le chantait. Il avait écrit un poëme intitulé Mon lac et mon château. C'était l'Horace rustique de ce Tibur sauvage. Ses vers ne manquaient ni de grâce ni de sentiment; ils réfléchissaient la sérénité d'une âme calmée par le soir de la vie, comme son lac réfléchissait lui-même son donjon festonné de lierre, d'espaliers et de jasmin. Il était loin de se douter qu'un de ses trois jeunes hôtes était lui-même poëte sous ses cheveux blonds. Il fut heureux de trouver en nous des auditeurs et des appréciateurs de sa poésie: en trois séances, après le souper, il nous lut tout son poëme. Quand notre bateau fut radoubé, nous prîmes congé du vieux gentilhomme. Nous étions déjà amis. Quelques jours après, je lui renvoyais pour carte de visite, par un batelier qui allait à Seyssel et qui passait au pied de son île, ces vers.



LE LAC.
Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges
Jeter l'ancre un seul jour?

O lac! l'année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu'elle devait revoir,
Regarde! je viens seul m'asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s'asseoir!

Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes;
Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés;
Ainsi le vent jetait l'écume de tes ondes
Sur ses pieds adorés.

Un soir, t'en souvient- il? nous voguions en silence;
On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.

Tout à coup des accents inconnus à la terre
Du rivage charmé frappèrent les échos;
Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chère
Laissa tomber ces mots:

-O temps, suspends ton vol! et vous, heures propices,
Suspendez votre cours!

Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours!

-Assez de malheureux ici-bas vous implorent:
Coulez, coulez pour eux;
Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent;
Oubliez les heureux.

-Mais je demande en vain quelques moments encore,
Le temps m'échappe et fuit;
Je dis à cette nuit: -Sois plus lente;- et l'aurore
Va dissiper la nuit.

-Aimons donc, aimons donc! de l'heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons!
L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive;
Il coule, et nous passons!

- Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse
Où l'amour à longs flots nous verse le bonheur
S'envolent loin de nous de la même vitesse
Que les jours de malheur?

Eh quoi! n'en pourrons-nous fixer au moins la trace?
Quoi! passés pour jamais? quoi! tout entiers perdus?
Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,
Ne nous les rendra plus?

Éternité, néant, passé, sombres abîmes,
Que faites-vous des jours que vous engloutissez?
Parlez: nous rendrez-vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez?

O lac! rochers muets! grottes! forêt obscure!
Vous que le temps épargne ou qu'il peut rajeunir,
Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
Au moins le souvenir!

Qu'il soit dans ton repos, qu'il soit dans tes orages,
Beau lac, et dans l'aspect de tes riants coteaux,
Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages
Qui pendent sur tes eaux!

Qu'il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,
Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,
Dans l'astre au front d'argent qui blanchit ta surface
De ses molles clartés!

Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,
Que les parfums légers de ton air embaumé,
Que tout ce qu'on entend, l'on voit ou l'on respire,
Tout dise: -Ils ont aimé!-



(?) PREMIERES MEDITATIONS POETIQUES
La mort de Socrate par M. de Lamartine 1860.

p.s. J'encourage le lecteur à cliquer sur l'image dans ce billet.

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