mardi, juin 17, 2008

Lettre à Madame Marois

Bonjour!

Recevez, Mme Marois, ma cotisation à titre de membre du Parti Québécois. C’est une très petite contribution à la grande cause qui nous tient à cœur, à vous, à moi et à un grand nombre de nos compatriotes. En toute conscience et en toute lucidité je sais que cette contribution devrait et pourrait être cinq, dix ou même vingt fois supérieure.
Consciemment je mets sous scellés ce qui pourrait être ma véritable contribution à la cause de la souveraineté du Québec jusqu’au jour où l’on ouvrira ses chantiers. Présentement on piétine devant des portillons qui demeurent clos. Quand l’occasion se présente on parle bien de souveraineté pour rassurer les badauds, on ergote sur l’identité québécoise, on se dispute sur les couleurs des Québécois de souche et des autres « minoritaires » et après on est surpris que la souveraineté plafonne.

Je ne mets pas en cause votre sincérité ni votre expérience qui ont servi plus d’une fois et de brillante façon les intérêts des Québécois. La compétence des élus du Parti Québécois et des aspirants à servir sous cette bannière est aussi hors cause. Notre parti a toujours présenté une brochette de candidats supérieurement qualifiés pour diriger un pays et animer le chantier de la construction de ce pays.

Ce qui fait défaut présentement et ce qui justifie mes réserves, c’est l’aiguillage. La gifle que la population du Québec a servi à notre parti en mars 2006 ne semble pas porter fruit. Le vrai virage n’a pas été pris. Juste une petite stratégie de plombier : on ne parlera plus de référendum. Rien n’est fait pour promouvoir la souveraineté. Quand les événements nous y forcent on en parle. Et comment en parle–t-on? Avec les mêmes vieux clichés du nationalisme d’avant la révolution tranquille. On est à peine sorti des chèques bilingues et on récite ad nauséam la litanie de nos jérémiades sur les blessures qu’on fait à notre identité de souche.

Que devrait et que pourrait être le Québec de demain dans ses priorités sociales et économiques? dans ses relations avec les USA,? devant le vieux monstre des guerres américaines que nourrit M. Harper et le parti conservateur? dans sa participation au défi mondial de réduire les effets de serre? de réduire et de rationaliser notre consommation énergétique? d’ouvrir des voies nouvelles dans la gestion de la justice et dans la protection des citoyens? de donner des assises à la conciliation travail-famille? d’assurer à tout citoyen québécois des conditions de vie décentes?

Et que d’autres sujets où l’âme québécoise s’est manifestée en opposition souvent flagrante avec le reste du Canada. Et qu’a-t-on fait pour que cette âme s’affirme, s’impose et pour qu’elle conquière ses territoires? Rien ou presque rien. On a applaudi lorsque l’AUTRE nous a donné le titre de « distinct » et qu’il nous a ondoyés au nom prestigieux mais vide de « nation » . On a applaudi, on a plié l’échine et on continue à attendre qu’une souveraineté toute bien ficelée nous soit donnée sans référendum. Et encore si cela arrivait je gage qu’on ergoterait de nouveau sur l’emballage.
René Lévesque a ouvert le nationalisme québécois sur l’avenir et lui a communiqué un élan sans pareil. Il a su communiquer à chacun la fierté d’être québécois et le goût de se bâtir un pays à la mesure de nos générosités ancestrales et de nos ambitions.

La commission sur les accommodements raisonnables a tracé pour ce nouveau pays les grandes lignes qui rejoignent les attentes d’une vaste majorité de Québécois.
Avec lucidité et détermination les commissaires ont mis la laïcité à la base de la nouvelle société. De même, tous sont d’accord pour faire de l’égalité homme-femme une valeur non négociable au pays du Québec.
Le Québec a aussi démontré depuis longtemps que l’on pratiquait avec bon sens et générosité l’interculturalisme prôné par la commission. Les Juifs, les Irlandais, les Polonais, les Portugais, les Haïtiens, les Indiens, les Chinois, les Vietnamiens, les Chiliens et combien d’autres qui sont venus s’installer chez nous y ont toujours été respectés et traités avec dignité et fraternité.

Nous avons profité de la diversité et des richesses culturelles et qu’ils ont apportées à nos valeurs, à notre alimentation, à nos us et coutumes, à notre savoir-faire. Notre identité de Québécois canadien-français n’a jamais été mis en péril par cette diversité. Et les commissaires l’ont démontré, l’alerte sonnée par quelques événements qui ont donné naissance à la commission est hors de proportion avec le sentiment et les attitudes prévalant chez l’ensemble des Québécois à l’endroit des immigrants. Le Québec est capable de vivre la diversité, de composer avec elle et de pratiquer des accommodements du gros bon sens et même d’absorber les occasionnels et inévitables dérapages sans qu’il soit nécessaire de le barder de lois et de mesures toutes faites.

Bref, il y a eu dans la tenue des auditions de la commission une imposante mobilisation des Québécois de toute origine qui pour la plupart ont témoigné de leur volonté de vivre ensemble dans le respect des origines et des cultures de chacun. Le rapport de la commission reflète bien cet état d’âme du Québec. La pâte est là toute prête à être moulée Tous les ingrédients y sont pour former une nouvelle identité québécoise ouverte sur l’avenir et sur l’autre, et consciente des principaux défis que pose la mondialisation déjà en marche. La commission des accommodements raisonnables c’est un momentum pour la souveraineté du Québec, l'occasion rêvée de proclamer la réouverture des chantiers de la souveraineté remise à jour, de présenter comme un nouveau-né ce projet de pays pour lequel chacun est invité à poser sa pierre.
Devant cette occasion en or de renouveler l’élan des années 70 que faites vous?
Que disent les principaux ténors du parti chargés de promouvoir la souveraineté? On prend le rapport avec des pincettes, un langage qui ne dit rien qui est calculé pour n’être pas compromettant. Oui on est d’accord avec les conclusions MAIS… et le mais est très épais, il ne nous donne pas les recettes qu’on pourrait consommer dans le confort de nos sièges législatifs et surtout ce qui est pire qu’un crime de lèse-majesté le rapport ne reconnaîtrait pas suffisamment les droits et les privilèges de la noblesse de souche.

Mais quel pays voulez-vous bâtir? Dans quel siècle vivez-vous? Nous ne sommes plus à l’ère des aristocraties mais bien à celle des collégialités. L’étape des droits définis, reconnus et à reconnaître est terminée nous passons à autre chose, à une autre façon de penser, d'agir, de vivre ensemble. Vous n’avez donc rien compris le 26 mars.

Vos réactions et vos attitudes quand elles ne vont pas jusqu’à suggérer que le rapport aille à la poubelle n’ont rien pour créer un mouvement à l’emporte-pièce en faveur de la souveraineté. Qui, quel immigrant peut vouloir d’un pays où on se préoccupe surtout de s’épingler des étiquettes ou de l’emporter dans une logomachie qui ne construit rien? Ainsi, avec M. Charest, qui réduit grossièrement et cavalièrement la laïcité au crucifix accroché à l’assemblée nationale, vous minimisez cette importante prise de conscience de la population du Québec. Avec M. Charest vous hâtez la mise aux tablettes de ce rapport qui aurait pu servir de pierre de base d’un nouveau Québec souverain.

Vos interventions sont du même style que les discours que l’on nous sert à la période de questions à l’Assemblée nationale. De la bien petite politique à courte vue, d'une très désagréable odeur électoraliste. Je m’attendais à mieux et surtout à une autre façon de penser et de travailler à la souveraineté.

Je ne sais pas où en serait la société québécoise si on avait accepté de cheminer dans la ligne des accords du lac Meech ou même de ceux de Charlottetown ou si le oui avait gagné au référendum de 80 ou à celui de 96. Je sais cependant que depuis ce temps on piétine.

La commission sur les accommodements raisonnables, les nombreuses séances qu’elle a tenues à travers tout le Québec, le rapport que les commissaires ont rédigé, c’est pour la société québécoise un autre train puissant et plein de promesses qui passe.
Si au lieu de le prendre et d’inviter les Québécois à y monter, on lève le nez sur sa couleur politique, je crains que l’on continue de tourner en rond et que la souveraineté soit progressivement mise au rancart comme le rapport Bouchard lui-même. Alors l’argent dépensé pour cette opération comme celui qu’on pourrait verser en contribution au Parti québécois chargé de faire la promotion de la souveraineté risque d’être de l’argent jeté à l’eau.

Assis sur notre souche, doit-on se résigner à manger notre petit pain, blâmant tout le monde, Dieu et son père de ce qui nous arrive?
Je crois qu’on vaut mieux que cela et qu’on mérite mieux.
Voilà pourquoi, Madame Marois, j’ai mis ma contribution en réserve. Le passé est garant de l’avenir, j’espère et je suis presque assuré que bientôt nous reprendrons allègrement les routes qui sillonnent déjà le nouveau pays du Québec bien à nous à tous ses occupants.
Florian Jutras
Note: Il s'agit plus d'un projet de lettre qu'une lettre déjà envoyée à la destinataire. . Vos réaction étaieront ma décision de l'envoyer ou de ne pas l'envoyer ou de la modifier. Merci de votre attention. FJ

1 Commentaire:

Quidam duFleuve a ?crit...

Lire, deux billets plus tard, "Pas beacoup, mais partout..."