samedi, juin 07, 2008

Sauver la vie pas l'âme!

Bonsoir

Comme après une longue absence, je reviens à la vie, la vraie, celle du farniente, celle qui butine son miel de soleil sans rien vouloir emmagasiner, juste comme cela parce qu’il fait bon vivre. Vivre et survivre aux obligations, survivre juste pour vivre.

Les urgences rangées, les impératifs du quotidien soignés comme on soigne les bêtes soir et matin, je folâtre sans but. Les grenouillages de l’heure, à Québec ou à Ottawa, au sport ou en économie me font à peine sourire. Les accommodements raisonnables c’est déjà du réchauffé. Mais voilà que divaguant en flirt au-dessus de la Mer des Mots deux mots lancés par notre infatigable chercheur harponnent mon attention et, en réaction, déclenchent la machine à réflexions.

Évolution et âme deux concepts qu’il me plaît de voir évoluer sous la torche de Darwin. La culture, les concepts, les mots, la langue, les états d’âme, les spiritualités obéiraient-ils aux lois énoncées dans Darwin 101, la survie du mieux adapté?
Concilier l’évolution et l’âme c’est comme poser la question célèbre et passe-partout : « Qu’est-ce que la vérité? » Celle d’aujourd’hui est-elle conciliable avec celle le d’hier? Le siècle passé avec le présent?

Non l’âme n’est pas chrétienne bien qu’on en ait baptisé plusieurs depuis le 13e s.
Les âmes alors se promenaient avec ou sans la robe nuptiale, elles voyageaient au ciel, en enfer, au purgatoire ou aux limbes, survolaient les corps attendant le réveil de la trompette dans la vallée de Josaphat. Elles étaient sujet du droit canonique, portaient la culpabilité, étaient maculées depuis la chute originelle. Certaines étaient élues, prédestinées, préexistaient au coït et enduraient l’enveloppe charnelle en espérant la canonisation.

C’est Aristote qui avec sa distinction de la matière t de la forme de la substance et des accidents, le corps étant un accident, a induit cette masse cancéreuse à l’espèce humaine. Thomas d’Aquin l’a ondoyée pour lancer tout le monde dans la recherche du salut éternel de son âme.

Pourquoi Platon et son mentor Augustin ne l’ont-ils pas emporté sur Aristote et Thomas d’Aquin? Survie non du meilleur mais du mieux adapté?
Quelle aurait été l’allure de notre vingt-et-unième siècle si le christianisme avait été lancé sur la rampe de Platon plutôt que sur celle d’Aristote?
Il est pensable que Darwin malgré le mur frappé ait été plus à l’aise avec le réalisme modéré d’Aristote qu’avec les Idées qui dominent les habitants de la caverne de Platon.

À moins que les concepts et les mots pour les dire, comme la vie, se moquent des planches à dessin et préfèrent copuler aux grés du ou des hasards!
Au lieu de suivre Darwin et de croire que l’âme, le salut éternel étaient des concepts mieux adaptés à une époque certains pensent que comme pour la présence de l’homme sur la terre, c’est le hasard qui gère l’âme et son salut.
En fait les Juifs du temps de Jésus et depuis David et même Abraham n’avaient pas d’âme. Ils avaient la vie , la vie en trois dimensions bien cousues, inséparables comme la Trinité : celle du corps, celle des émotions et de la sensibilité et celle de l’esprit plus spirituel que raisonnable.

Et ces gens là ne couraient pas après le salut éternel de leur âme. Le salut c’était la vie, la vie du peuple, ses victoires, sa prospérité, son panache au concert des nations. Et c’était l’Alliance avec Yahvé qui assurait ce lait et ce miel.
Et qu’est-ce qui faisait courir les individus? Le fouet des rois d’abord comme dans toutes les nations, celui de l’Église ensuite non moins cinglant et en sourdine pour les Juifs, la bénédiction de Yahvé à qui ils devaient de longs jours, de nombreux fils et de s’endormir dans la « shalom » paix du Seigneur. Et pour les chrétiens, par la suite, ce qui faisait courir c’était la tirelire à mérites qui corrigeait les injustices terrestres et assurait une meilleure place dans l’autre bord.
Jésus a prêché la Vie éternelle non le salut éternel de l’âme. Pas la vie éternelle après l’autre mais dans l’autre, dans la temporelle, au cœur de celle qui a une fin que n’effacent pas les pierres tombales.
Il serait aussi passionnant de déterrer au fil de l’histoire les fossiles de cette évolution de la culture et des croyances comme Darwin l’a exposé pour les différentes espèces animales. On y verrait probablement même sûrement des parentés entre les différentes familles spirituelles, des similitudes dans la multiplicité des rites et des véhicules que l’homme emprunte pour toujours vivre et survivre. Jamais les définitions qu’on en a pu donner n’ont enfermé la vie. L’évolution n’a pas commencé avec Darwin. La fermeture de l’enfer n’ouvre pas le ciel.

Que l’on parle de l’âme à sauver, de résurrection ou de réincarnation, de symboles ou de virtualités c’est la même passion humaine la soif et la hantise de survire qui sert de commune définition à toutes ces expressions, écrites, rituelles, rationnelles, philosophiques ou théologiques.

Quand un concept ou une expression par usure ou variation de mode ne disent plus la vie mais l’enferment comme dans un cercueil, il vaut mieux les jeter par-dessus bord que de risquer de se noyer en les gardant. Les mots doivent flotter sur la mer n’est-ce pas? Ou autre version : si ton œil te scandalise il vaut mieux l’arracher car les borgnes ont droit de cité au Royaume de Dieu. Amen.
Florian

3 Commentaires:

Quidam duFleuve a ?crit...

N'ouvre la bouche que lorsque tu es sûr que ce que tu vas dire est plus beau que le silence. Proverbe Arabe

Comment me taire? Je risque ce commentaire.

Sur mer après tant de terre, le voici le voilà, le retour du grand « Flot ». L'affairiste est largué; le marin revient à son hamac. L'absence nous a laissés supposer tant et tant de choses. Le dénouement de l'appréhension est hollywoodien. Il nous était devenu une âme errante; il est revenu, à la vie.

Serez-vous de mon avis?

Jean Trudeau a ?crit...

« ...c’est la même passion humaine la soif et la hantise de survivre qui sert de commune définition à toutes ces expressions, écrites, rituelles, rationnelles, philosophiques ou théologiques. »

Cette soif et cette hantise de survivre qui caractérise la passion humaine nous amène étrangement parfois à poser des gestes de violence, de mort. Survivre aux dépens de la vie des autres...

L'homme animal. Anima « souffle de la vie, principe vital ».

J'en perds mon latin, Florian.

Florian Jutras a ?crit...

Cher Jean
Il vaut mieux Jean perdre son latin que perdre son âme i. e. sa vie.

Il est difficile en effet de trouver un sens à toutes ces expressions de la vie, contradictoires, farfelues, éthérées, pondérées ou inquiètes. Pourtant à notre époque c’est comme si on avait le choix du sens.

La vie, un fatalisme dominant qui commande une résignation aveugle, une soumission au destin et aux dieux ou un état de fait qui commande des accommodements aux résultats imprévisibles, ou une lutte individuelle sans merci avec le risque pratiquement incontournable d’écraser l’autre.

Quels que soient les choix que des portions d’humanité aient faits au cours des ans il y a toujours eu des pauvres écrasés victimes de ces choix. La lutte, c’est la loi de la vie du moins une des lois presqu’aussi incontournable que celle de la gravité qui joue urbi et orbi se riant des prétentions à la lévitation ou à la télé-portation.

Les états qui se sont succédé rivalisant souvent d’autoritarisme et de despotisme ont fait avancer l’humanité l’ont tiré des luttes tribales qui risquaient de l’exterminer. La révolution industrielle a fait aussi beaucoup de morts et de pauvres. Nous lui devons cependant notre présent confort, une appréciable augmentation de l’espérance de vie, une ouverture sans pareille sur l’univers, la richesse exponentielle de ses possibilités et de ses promesses.
L’Islam et son Allah dominant ont sauvé par l’épée leur monde de l’errance et nous ont aussi apporté beaucoup. Le christianisme qui pose la relation comme la fine fleur de l’humanité a dans son parcours généré de non moins grandes violences. Le vingtième siècle qui a sûrement fait couler plus de sang que tout autre a proscrit la violence plus qu’on ne l’a jamais fait auparavant , au point que dans les guerres que nous traînons encore, les morts comptés à l’unité scandalisent et entraînent de forts mouvements de réprobation. Bientôt la lutte pour la survie (cf. Jacques Attali, Une brève histoire de l’avenir) devra compter sans la violence.

Notre ami Jacques avec Darwin, parle de diversité, multiplicité et diversité horizontales où la pieuvre et ses astuces vaut en poids atomique de vie le philosophe qui essaie de récupérer son latin. Cette vision d’un monde ou d’une vie kaléidoscope sans autre finalité que sa propre vitalité me plaît quand même davantage que celle où tout est prédéterminé et arrive selon un scénario méticuleusement minuté. Mais ça c’est une question de goût. Mes goûts pas plus que tes craintes de perdre ton latin n’empêchent la terre de tourner, la vie de copuler et les cultures de se disputer chacune dans son latin.

Mais qu’en est-il au juste, le monde a-t-il un sens? La vie une finalité externe? les cultures un latin rassembleur?
Un expert de la matière, de connivence avec sa foi, Teilhard de Chardin, a vu dans cette histoire de lutte pour la survie une lente mais indéniable montée de la conscience vers une noogénèse qui porte des gènes d’harmonie et de paix.
Albert Camus invente son latin dans la joyeuse lutte toujours à reprendre contre une matière absurde, engluante par nature. Le latin de la fierté de l’homme qui se dresse.

Mon latin à moi, peut-être pas bien original, c’est un microscope et un télescope qui en commandent la grammaire. Les merveilles de richesses, de subtilités, de possibilités qu’ils nous font découvrir gonflent mon émerveillement comme si j’étais déjà rendu au septième ciel. Et mon regard sur les cultures humaines témoin et agentes de cette lutte non moins implacable pour la conquête du sens me donnent à espérer que le pain quotidien acquis de haute lutte pour toute l’humanité il y aura un déplacement de la lutte pour la survie en une lutte pour le sursens. Une dynamique convergence de tous les chercheurs de sens. Et là, mon cher Jean,
tu retrouveras ton latin et celui de beaucoup d’autres.
Ainsi soit-il!