Conscience de vivre
Conscience de vivre Entre le réveil et le lever, sur le dos je suis étendu, à peine remis de mon recroquevillement de nuit. Avant-hier je suis allé voir un oncle, Frère du Sacré-Cœur, qui célèbre ses 70 ans de vie religieuse et qui frôle les quatre-vingt-dix. Sa conscience comme il dit, saute des mailles, mais le tissu tient. Hier, coup sur coup, comme en mitraille, la nouvelle d’un locataire-ami, 29 ans, souffrant d’une maligne tumeur, père d’un garçon de cinq ans, au bout de sa tolérance, s’est accroché au haut de sa porte et a remis l’âme. Puis celle du décès de la tante de quatre-vingt quinze ans, à l’hôpital depuis quelques jours seulement qui, sans déranger, comme elle a toujours vécu, s’en est allée elle aussi. À la radio, Johanne Verdon débite ses leçons de santé, comme nous autrefois, avant de partir pour l’école, notre catéchisme à 508 numéros. Et moi, je vague et divague, butinant ces nuages informes, je gribouille en quelque part dans ma tête une infinité de points d’interrogation. Qu’est-ce que vivre? Qu’est-ce que la conscience de vivre? Quels ont pu être à l’Ultraviolet les états d’âme de cette conscience au bord du dernier moment? Je me surprends à passer en revue quelques carottes de mes états d’ âme. D’abord, je suis gépéessisé de la tête au pied. Sur une grille mouvante, chacune des parties de mon être physique est rapportée comme les blogues sur la toile du Québec. Il me suffit de syntoniser pour connaître l’état de mes oreilles camouflées dans l’oreiller, l’angle de mes repliements de jambes, la température qu’il fait au bout de mon nez. Un scanner interne me découpe en tranches et me donne sur demande l’état de chacun de mes morceaux. Il me dit que je suis là. Le là visqueux d’un Jean-Paul Sartre ou celui pointilleux d’un Proust ou celui débordant d’énergie d’un Gargantua ou encore le hanté par les vents d’Espagne d’un don Quichotte … Où je suis, je le sais toujours, presqu’infailliblement, mécaniquement, automatiquement. Ma conscience de vivre est d’abord géo-physique. Comment je suis? Comment je me sens? Mes états d’âme, c’est plus vaporeux. C’est le premier sujet de conversation. Comment vas-tu? Quand ça va bien ou relativement bien je réponds des non-signifiances quand ça va mal je le sais mais je ne réponds pas. Je le sais à mes gestes. Mes balles au tennis sont décrochées tout croches. Ça se voit, je ne suis pas dans mon assiette. Mais qu’est-ce qui ne va pas? Qu’est-ce qui démarque les optimistes des pessimistes? Le foie ou la foi? La nuit? Une nouvelle-tornade? La conscience ou le pressentiment d’un échec? L’atmosphère respirée à l’enfance?… Quelle conscience de ses viscères peut-on avoir juste avant que la corde étrangle? ou que le rideau se ferme sur sa nuit ou sur sa vie? Je soupçonne qu’il y a beaucoup de biologique ou de neurologique là-dedans. Un sensor, semblable au GPS qui définit la conscience du lieu, mais un peu plus compliqué et un peu plus subtil. Je mesure par sondes et carottes cette conscience de vivre liée à ses états d’âme. Je soupçonne aussi que la qualité de vie, voire le bonheur dépend en grande partie de ses états de conscience deuxième niveau. Pourtant d’aucuns semble préférer, criblé de dettes, se péter la gueule en Lanborghini sur l’autoroute à la conscience du travailleur à la petite semaine ou à celle, fleurie, de l’handicapé qui s’est forgé une conscience de Jésus-Christ. Je cède au nombrilisme et je tourne ma sonde vers moi, moi-même et moi seul. Qui suis-je? Ma conscience de vivre semble liée à celle non moins mystérieuse de mon identité. Qui je suis? Hic et nunc ça va. Mais dans le temps passé? À 12 ans ou à 20 ans ou à 64 comme notre du Fleuve? Quelles ondes numériques définissent la continuité entre mes identités ou mes consciences d’identité variables? Le souvenir de ce que j’ai été c’est différent. C’est codifié, gelé, sauvegardé. J’ai des cases pour garder mes souvenirs. Tout comme les images de mon père qui limait sa scie en plein hiver ou le souvenir des premières explications que je donnais de la Trinité à des enfants de quatrième année à St-Victor. Le souvenir de mes états d’âme d’alors c’est du pareil au même. J’étais craintif ou naïf, c’est entré comme tel dans ma caméra numérique. Mais la sensation ou l’émotion de ces sentiments qui vibraient en deça de l’instant, je ne puis les retrouver. J’entends à peine, en des moments super-zen, la vibration de la continuité entre ma conscience de vivre à 12 ans et celle que j’éprouve maintenant, au neutre, entre deux réveils. Revenons au lit, au petit matin, avant d’aller jouer au tennis. Je vis, j’en suis conscient. Je suis moi et personne d’autre. Personne d’autre que moi ne peut capter cette longueur d’onde qui m’est propre. Elle m’est plus personnelle que mon ADN. Mais d’où vient-elle et de quoi est-elle faite? Mystère et boule de gomme. Je parierais qu’elle est beaucoup physique ou biologique ou physiologique elle aussi. De la testostérone aussi, prétendrait Jacques. Des courants et des ondes mesurables à cent pour cent. Pourrait-on pour autant la réduire à un nombre, la numériser pour utilisation ultérieure? J’en doute. Y aurait-il un insaisissable un jenesaisquoid’autre à ajouter au cent pourcent des éléments de cette conscience état d'âme? Jouons aux mathématiciens. Mettons cette conscience entre parenthèses. Il reste quoi? Le sommeil? Un état de béatitude? Autrefois on disait qu’on perdait « connaissance » pas conscience, la conscience étant alors réservée à Caën, au bien et au mal. J’ai déjà « perdu connaissance ». Je me sentais bien, libéré d’un fardeau que j’estimais trop lourd pour mes épaules. Mais mon souvenir de cet événement n’est pas celui d’un vide dans la conscience de vivre. C’est quoi alors? Qu’en disent les mathématiciens? Peut-on ajouter une unité au 100 pour cent ou la retrancher sans le modifier. Je sonde le mystère ou la faiblesse de mes piles pour éclairer de rationalité mes états de conscience. En bref, je sais que ma conscience de vivre est là. Elle me définit. Cependant, je n’en puis rien saisir. Elle me file entre les doigts comme un nuage qu’on essaierait de mettre en boîte. L’important, c’est de sentir sa rose disait Bécaud. . En général, grâce à quoi, ou grâce à qui, je ne le sais, j’ai la conscience de vivre plutôt positive. Les grandes angoisses ne me courbent pas trop l’échine. L’aiguillon de mes travers ne me torture pas l’identité. J’ai plutôt pris le parti d’en rire que d’en pleurer. Un rien, comme un petit matin à flâner entre deux réveils, peut gonfler à bloc ma conscience de vivre. Allègre je me lève, Elle me suivra ma conscience. Au fait est-elle plus rose le matin que le soir? Bonne question! Il faudrait voir. Quelle sera ma conscience de vivre au bord du dernier moment? Futile question Et Hop! Au tennis! Florian |
4 Commentaires:
Florian vivant... Bon.
Un domaine de réflexion, une méditation souvente fois reprise. Mais on n'en est pas à « qu'est-ce que je suis venu faire ici? ». Être, vivre, des états de fait. Précédemment, Florian, tu n'existais pas. Puis, issu du droit, de la liberté de tes parents, tu es devenu une probabilité, un potentiel.
J'aime assez la vie pour dire que tu as eu la chance de naître, de vivre, de « conscientiser » ton état de fait. Ne remplaçant pas mon ignorance par « des mystères que je ne peux comprendre », il me reste à te dire crûment que ta prochaine étape est de retourner à l'inexistance. L'inexistance est la finalité de tout vivant.
Pourquoi s'emmêler dans les imaginaires des hommes? Ces derniers ne veulent tellement pas admettre qu'il ne sont pas à croissance indéterminée et bien finis dans le temps. Non, les hommes préfèrent le rêve, l'espérance, l'inconscience, s'entretenant comme créature d'un divin bien commode, se donnant l'importance d'une vie éternelle après la rencontre de quelques protéines organisées... fournies lors d'un instant bien bref par des parents « vivants ». Après une guerre de gamètes, le zygote, le voici, ecce homo créé, hic et nunc, et lancé pour la vie éternelle... en deux étapes évidemment! L'une terrestre et l'autre dans l'imaginaire, lait et miel à profusion... (plus dans les limbes... Dernièrement, on a démoli cette annexe pour agrandir le ciel peut-être. Il y a tellement de morts maintenant.)
Dans ce type de réflexion, je me discipline à ne pas utiliser le mot âme. Ce mot est une pelure de banane. C'est un leurre qui vous ramène la « la somme » d'un certain Aquin, en moins de deux... Je n'ai jamais rencontré de définition du mot « âme » sans qu'elle ne contienne une ou des affirmations gratuites. Âme est un mot religieux. Je n'en ai pas besoin pour exprimer mon état de vivant.
Comme toi Florian, certains matins, je m'éveille avec un vague à l'âme... Alors, j'écris pour moi ou je blogue!
Ah! comme la neige a neigé!
Ma vitre est un jardin de givre.
Ah! comme la neige a neigé!
Qu'est-ce que le spasme de vivre
À la douleur que j'ai, que j'ai!
Quand Florian, aux bleuets bleutés
Engrange les années et les vivre
M'est dadon de lui dire en beauté
Qu'être un phare dans une mer ivre
Nous l'encre bien devant pour l'éternité!
Cher Jacques,
Tu me surprendras toujours.
Avec une implacable logique, tu règles le sort de la finalité et de l'existence de l'univers dépurvu de détermination. Un monde ordonné et bon à vivre sans prédétermination voilà le dilemne pour beaucoup de frêles esprits pédalan leur ratio rationnante.
Pourtant, avant nous, Pascal dans une image que tu connais, celle du roseau pensant, avait posé la supériorité de la conscience et de son bien-être devant le chêne d'une éternité fragile, sans l'englober dans le noyau un peu dur de la finalité et l'identité sans l'enfermer dans le coquillage d'une éternité mal définie. Être conscient, c'est bon comme voir le beau est beau, et entendre les sons est doux et goûter les touchers, envoûtant. Conscience et identité, des beaux mystères dans lesquels il fait bon de folâtrer les petits matins sous les couvertures sans se préoccuper des voies de sortie.Conscience, sixième sens lié et dépendant comme les autres des conditionnements biologiques.
Et sautant du coq à l'âne, tu me joues un ramage aux sonorités d'alexandrins tu me campes dans une éternité en vase clos. Je n'en attendais pas tant et à tout prendre, si je peux choisir, je crois que je préfère les vague-à-l'âme sur les clapotis aux encres ou ancres aux couleurs d'éternité.
Merci quand même
Florian
...tu règles le sort de la finalité et de l'existence de l'univers...
T'as vu le mot UNIVERS dans mon commentaire? Je l'aurais laissé sous-entendre?
"Rien ne se perd; rien ne se crée et tralala." La science, celle que j'accepte, me dis que les dinosaures sont disparus après une période de vie féconde, que la masse totale des insectes vivants est supérieure à celle de tous les autres animaux réunis, incluant les hommes et les Américains-Mc'Do, que le compostage que je pratique me donne bonne conscience citoyenne!
Alors, j'avance... Je suis probablement , corpulence oblige, détenteur de quelques atomes de carbone ayant servis à quelques archosauriens, d'un brin de calcium ayant navigué dans la mer Champlain, ou un peu de rouille de fer rougissant déjà, jadis, naguère l'hémoglobine d'un Jésuite "martyr canadien".
Et tout ça reservira encore et encore. C'est ma seule chance d'approcher l'éternité!
L'univers va trop au-delà de mes fournisseurs de matériaux pour que j'ai la moindre idée de ce qu'il en advient. (Je ne suis pas Hubert Reeves II.) Il ne m'est pas plus logique d'avancer une supposition sur la finalité de l'univers que de m'imaginer un créateur-explicateur tranquillisant les angoisses ataviques des grands singes que nous sommes. Un singe ne se met pas à genoux pour prier mais pour manger.
...grande réflexion fatigante!
Viens avec moi, nous reposer la boîte pensante, lire un peu de poésie.
"La Mémoire des Mots" (Copier/Coller...)
http://www.pierdelune.com/ricard1.htm
"Ces derniers ne veulent tellement pas admettre qu'il ne sont pas à croissance indéterminée et bien finis dans le temps"
" L'inexista(sic -e) nce est la finalité de tout vivant."
Pratiquons-nous un laguage de sourds? Si ces deux citations ne parlent pas de finalité et de détermination (auto, pré ou synchro), je ne sais plus ce que je comprends.
Tu me sers une belle roue fantaisiste mais combien réaliste de la circulation circulaire (pléonasme grossier) des atomes qui composent ton égo. J'en suis. quant à la finalité, celle de l'inexistence, j'en suis probablement aussi. Mais finalité est un autre ordre de réalité que l'atôme. Les très primaires carottes de mes états de conscience ne contenaient aucun atome d'éternité (aucun atome circulant dans le monde n'est coiffé de ce titre) mais contenaient des éléments que je n'arrive pas à identifier. Ainsi, l'homme a vécu longtemps sans identifier ses maux d'estomac. arriverons-nous plus tard à dresser la carte de nos états de conscience comme on fait aujourd,hui à exposcience l'étalage de nos muscles. Il y a là-dedans une complexité dirait Teilhard qui n'est pas encore parvenue à l'état de noosphère. et la conscience de l'au-delà et de l'être suprême elle est ratttachée au recyclage de quel compost? pour moi c'est mystère et ça ne veut pas dire ni éternité, ni prédétermination, ni adétermination, ni finalité, ni preuve,ni route vers l'inexistence "finalité de tout vivant"
La boîte pensante, pourvu qu'on la secoue un peu peut livrer mille conneries et mille suppositions mais jamais elle ne livrera un atome qui n,existait pas déjà...je laisse cette croyance aux créationnistes fondamentalistes.
N'empêche que les atomes de tes pensées sont toujours suaves et débordants d'à propos.
Florian
Post a Comment