mercredi, août 29, 2007

Le sang qui monte en soi.

Il nous faut écouter
L'oiseau au fond des bois
Le murmure de l'été
Le sang qui monte en soi

À ma dernière (juillet 2007) visite au Cabonga, prétexte, la pêche aux touladis, dorés, temps heureux, j'ai eu comme voisins de chalets, des « personnages à curriculum». Le bien connu monsieur Hasard nous a présentés. Conservant une image athlétique, Jacques, de plus de dix ans mon aîné, pédopsychiatre et prof-U.M., se dit à la retraite tout en continuant un peu la clinique. Il va, dos courbé, atteint de fatigue due la route d'accès difficile et ses élans sportifs d'il y a... (médaillé à la nage papillon). Hélène, orthopédagogue, psychomotricienne, coordonnatrice service ambulatoire et clinique des troubles anxieux, Programme de psychiatrie, CHU Sainte-Justine, kayakiste par beau temps.

Quand tu achètes une maison, tu ne choisis pas tes voisins, que je me dis... Aussi je me dis savoir « toiser » l'intérieur-nature des gens beaux.

Des civilités , quelques brèves conversations et les yeux d'un grand Jacques m'ont conté...

. . . o o o O O O o o o . . .

Imaginez une telle mise en scène... Vous êtes, en chaloupe, sur l'eau de l'immense réservoir Cabonga. Vous ne savez pas où c'est? Vous pensez à un coin perdu à vous y perdre aussi? Si c'est bien votre premier sentiment, alors vous êtes sur la bonne voie de comprendre ce qui suit. Lisez prudemment! Vous êtes sur l'eau...

Vous êtes en chaloupe... de pêche. L'immense réservoir Cabonga pourrait être visible de la lune! Le pays aux Peaux-Rouges, un pays voulu, resté sauvage, parce que protégé par la loi des Parcs et des Réserves « Made-in-Quebec », entre les Laurentides et l'Abitibi. Là où les épinettes profilent la ligne du ciel, dessinent les contours des lacs et des rivières, s'arrangent pour laisser le passage en «s» des chemins colonisateurs. Vous êtes chez vous... ;-)

Épouser la beauté, la sérénité des vastes espaces d'un bout du monde où il est facile de s'y perdre tous les jours, peut devenir une passion. Vous naviguez, vous glissez paisiblement au petit large, entre berges, îles nombreuses et points de fuite, loin, très loin. Aucune trace d'homme. Distant de familiarités, vos sens en éveil. La brise excite les effluves d'une eau calme et résinée. Une fragrance

que vous souhaitez tant et tant qu'il en vient presque à justifier votre prochain retour en ce pays de castors. Des parfums si agissants et variés que vous en cherchez les sources à chaque nouvelle inspiration. Parfois l'arôme d'une cédraie, encore le relent de l'humide sol forestier ou d'une tourbière embrumée parce que chauffée au soleil depuis l'aurore, mélange odorant dilué par un tiède vent d'été. Vous êtes sur l'eau de l'immense réservoir Cabonga; vous êtes bien et vous en êtes surpris! -- Vous jouez la game? Alors abandonnez un frileux « qu'est-ce que je fais ici».

À peine perceptible mais toujours disponible, selon votre ménagement, l'omniprésence de la senteur des grands bois. Ces grands bois plein la vue. De l'eau, beaucoup d'eau à noyer bien des habitudes, bien des fatigues de gens des villes. D'heureux bouquets de sensations voyagent de l'oekoumène à l'imaginaire de ces lieux. D'illusoires désirs s'attendrissent, déroutés par des références olfactives mal connues, par des regards ne sachant où se déposer. Tout est vaste, même les émotions. En ce pays grand, ce n'est qu'un mystère de plus.

À votre étonnement, de sous l'eau, c'est l'arrivée magique des huards. Curieux, l'oeil jais noir, cerné rouge, ils vous regardent tout en se maintenant en mouvement. Prudents, distants, lancent à l'occasion d'un je-ne-sais-quoi, un cri, un chant de haut-bois que vous n'oblierez plus... Que vous conterez. Que vous conterez en commençant par « Si t'avais entendu ça! ».

Soudain, comme un lest, l'un plonge avec grâce et la simplicité d'un envol, dans les eaux reflets du ciel. S'ajoute, pour vos oreilles en éveil, un strident « Cache-ton-cul-Frédéric-frédéric » qui vous ramène loin derrière les années ou encore la mélodieuse fauvette jaune anticipant les chaleurs comme le fait l'aussi discrète cigale en ce présent été... Vous êtes un simple vivant, heureux d'être assis dans une chaloupe! Faut le vivre pour le croire! Vous touchez à un instant de bonheur spontané. Vous vous découvrez d'une nature sans fard mais combien dissimulée, oubliée. Vous êtes sur l'eau de l'immense réservoir Cabonga; vous êtes juste bien.

Les marins d'eau douce et forte n'ont pas peur de quitter les hommes. Ils sont prêts à danser avec la solitude, celle qui rôde au large des banlieues. Peut-être faut-il accepter de laisser partir ou quitter quelques-uns, souvent des plus collés, souvent des référentiels à ce que l'on est. « Il n'est pas bon que l'homme soit seul. » nous faisait lire un gros livre. Pourtant, d'expérience, la solitude choisie construit. Elle peut être une offrande essentielle au bonheur que connaissent les gens de petits et de grands larges. Il n'y a pas plus réel bonheur que celui qui vit au pays choisi. Une joie réelle, intense en ce pays, c'est profiter de la virginité d'un lieu qu'on aime croire être le premier à visiter et se tenir prêt à payer de son 'moi' pour toucher au bonheur. Accepter de défier la mort du citadin à quelques reprises dans sa vie, pour tenter de survivre à plus grand que soi, telle, la nature du Cabonga. « Être » sur ses eaux; être bien, partageant sa force silencieuse. Vivre dans un lieu nommé 'une beauté du monde' ou prétendre s'y glisser...

Ajouter à la scène le nom de votre chaloupe de départ que j'ai baptisée « Fériboite »... (*)

Ainsi, je pense m'être justifier le pourquoi d'aller à la pêche.

Jacques et Jacques.

(*) Pagnol, cinéaste et son truculent « Marius » provençal comme Provence... 1931, NB. Le « fériboite » (Ferry boat) qui navigue encore aujourd’hui, Méditerranée, Marseille-le-Vieux-Port, entre quai Rive-neuve et quai de la Mairie. --- Le « mistral » aurait-il balayé « Fanny», « César », « L'Escatefigue », « Le Bar de la Marine » « La partie de cartes » de vos mémoires?

p.s. !
...

Plus loin que les frontières
Qui sont de barbelés
Plus loin que la misère
Il nous faut regarder

Il nous faut regarder
Ce qu'il y a de beau
Le ciel gris ou bleuté
Les filles au bord de l'eau
L'ami qu'on sait fidèle
Le soleil de demain
Le vol d'une hirondelle
Le bateau qui revient
L'ami qu'on sait fidèle
Le soleil de demain
Le vol d'une hirondelle
Le bateau qui revient

... Jacques Brel
"Il nous faut regarder" ...heureux bonheur!



1 Commentaire:

Florian Jutras a ?crit...

Cher Jacques et Jacques
Je m'imagine tes sentiments quand, quelque temps après ta naissance on t'a donné un nom. Tu as dû ten sentir comprimé. Le nom est toujours limitatif de l'être et parfois en porte-à-faux personnalité et parfois faux avec ses équilibres.
Cette fois-ci, après avoir lu "le sang qui monte en soi", je te baptiserais le Henri Rousseau de l'eau.
Pour moi les peintures de M. Rousseau me sont toutes apparues malgré leur immobile plasticité, vibrantes d'énergies et de vie.
Après voir vu tes photos de bonze dominant un étang un lac ou une mer, je fais le parallèle avec les toiles de Rousseau où domine l'équilibre plastique feuilles, des plnates et des vivants. À lire ton texte, ce sont les vibrations que je ressens. Que ce soit les épinettes ou les huards, les aurores boréales ou les matinales, les moustiques et parfois les trotte-menu d'anthracite vêtue,les pouladis ou les dorés, c'est toujours l'intense vibration de la vie comme si elle était encore à l'origine des temps préhistoriques que je ressens.
... vous glissez paisiblement au petit large, entre berges, îles nombreuses et points de fuite, loin, très loin.... La brise excite les effluves d'une eau calme et résinée. Une fragrance...
De l'eau, beaucoup d'eau à noyer bien des habitudes...
...pour vos oreilles en éveil, un strident « Cache-ton-cul-Frédéric-frédéric » ...
Je n'en finirais plus de te citer.
C'est à ce point intense que ça me donne des envies d'être là moi aussi avec vous.
Je doute cependant que na "Fériboite" de silence et de solitude soit assez grande pour contenir ou retenir une de ces merveilles.
Quand tu seras revenu avec nous, va voir Henri Rousseau et je suis assuré que tu te trouveras des parentés avec lui.
Florian

Henri Rousseau:http://www.allposters.fr/gallery.asp?aid=817757878&c=c&search=27901&lang=2&GCID=s15100x004&KEYWORD=Henri+Rousseau&Referrer=http%3A%2F%2Fwww%2Egoogle%2Efr%2Fcustom%3Fq%3Dhenri%2BRousseau%26sa%3DRecherche%26client%3Dpub%2D2456819124576563%26forid%3D1%26oe%3DUTF&SAID=817757878&SAIDTime=8%2F30%2F2007+11%3A44%3A26+AM&maid=817757878&AffClickThroughID=1048707858&ap%2Daido=817757878&ap%2Daidodate=8%2F30%2F2007+11%3A44%3A26+AM&apc%2Daidc=817757878&ap%2Daide=817757878&ap%2Daidedate=8%2F30%2F2007+11%3A44%3A26+AM